On notera dans beaucoup de genres une distinction forte entre les jeux occidentaux et les jeux Japonais. La distinction s’explique avec deux facteurs principaux : les différences culturelles, mais aussi les différences techniques des supports utilisés.
Niveau culturel, outre les sensibilités différentes, au niveau de la violence et du sexe par exemple, il y a aussi les influences des produits culturels et commerciaux disponibles et populaires durant certaines périodes. Les mangas sont un exemple évident : ils sont très populaires au Japon dès les années 60, mais virtuellement inconnus aux USA avant le milieu des années 90, et très peu populaire en Europe à cette période, excepté en France ; par conséquent, certains jeu Dragon Ball Z sont sortis uniquement au Japon et en France. L’influence des mangas sur les jeux vidéo Japonais est évidente dès le début, aussi bien dans le style graphique que dans les histoires, alors que l’occident, dominé par les productions Américaines, les rejette pendant longtemps.
De même, les « jeux de rôle » sont populaires en occident depuis des dizaines (voire des centaines) d’années, avec par exemple les reconstitutions médiévales ; les romans d’heroic fantasy comme Le Seigneur des Anneaux sont également très populaires dans les années 60. Donjons & Dragons, le premier jeu de rôle papier commercial, est sorti en 1974 aux USA et connaît un succès toujours grandissant à la fin des années 70 et au début des années 80, mais n’est pas traduit au Japon avant 1985 et n’y connaîtra pas le succès avant plusieurs années, alors que les Japonais ont déjà créé leurs propres styles de jeux de rôle. D&D a donc une influence énorme sur les RPG occidentaux, mais moins importante sur les RPG Japonais.
Par ailleurs, les machines utilisées divergent radicalement en occident et au Japon. Outre les marques présentes uniquement sur certains continents, pour afficher des caractères Japonais de manière lisible, les PC occidentaux de l’époque, avec leur résolution généralement de 320×200, ne suffisent pas, et même si l’Apple II est relativement courant dans un premier temps, avec une version Japonaise en 1979, il sera assez vite remplacé par des machines locales : le NEC PC-8001 en 1979 mais surtout le très populaire PC-88 en 1981, ainsi que ses suites (PC-98) et concurrents (notamment chez Sharp et Fujitsu). Les PC Japonais ont donc, dès le début, des résolutions largement supérieures, généralement du 640×400. Ils peuvent afficher des images de bien meilleure qualité, et ne s’en privent pas. Les Japonais ont ainsi accès à beaucoup de jeux occidentaux, notamment sur Apple II ou avec des portages sur machines locales, mais l’inverse n’est pas vrai, et énormément de jeux Japonais ne sortiront jamais en occident, particulièrement à cause de la complexité de localisation et de portage sur des machines techniquement inférieures.
Enfin, on notera également une simple préférence pour certains types de jeux ou sujets d’un côté ou de l’autre de l’océan. Par exemple, les shmups sont créés en très large majorité par des studios Japonais, alors que les simulations sont plus appréciées en occident ; les visual novels sont très populaires au Japon depuis le début, et virtuellement inconnues en occident avant les années 2000.
Il y a également une différence entre les USA et l’Europe : les premiers sont très tournés vers les consoles et l’arcade, tandis que les seconds un peu plus tournée vers les micro-ordinateurs, dont certaines marques sont très populaires en Europe (Sinclair avec le ZX Spectrum, Amstrad avec le CPC…) et quasiment inconnues aux USA. Même dans le marché des consoles, les différences sont très importantes : l’Atari 2600 n’a pas aussi bien marché en Europe qu’aux USA, la NES se partageait le marché Européen avec la Master System quasiment à parts égales alors qu’elle dominait très largement aux USA, certaines consoles comme la PC Engine (TurboGrafx aux USA) ne sont jamais sorties officiellement en Europe, etc. Et ne parlons pas des délais de localisation des titres, qui pouvaient sortir avec plusieurs années de décalage entre le Japon, les USA et l’Europe ! Autre conséquence de cette différence, le fameux « crash des jeux vidéo de 1983 » est en réalité un crash totalement Américain : au même moment, la Famicom explosait au Japon face à la Sega SG-1000, et en Europe, les fabricants d’ordinateurs se menaient une guerre des prix qui augmentaient leur accessibilité.
Enfin, il faut reconnaître l’existence d’un dernier marché « le reste du monde » : il est moins important (financièrement) à cette époque, mais il est aujourd’hui massif, et tout comme les trois marchés principaux, il a été façonné par les années 80/90. On notera par exemple l’importance des clones de NES en Russie pendant très longtemps, la présence tenace de la Master System au Brésil jusque dans les années 90, ou la démocratisation du PC en Europe de l’Est dans les années 90 : si les impacts sur les jeux de l’époque sont faibles voire inexistants, les jeunes d’alors sont aujourd’hui en âge de créer des jeux, et ils racontent leurs propres histoires, parfois inspirées par cette période.