L’histoire des shmups, twin stick shooters, rail shooters, light gun

Les shmups (shoot’em up) ont une histoire assez simple et « linéaire » : écran fixe, scrolling, powerups, puis bullet hell.

Les jeux qui marquent vraiment un tournant sont Space Invaders qui popularise le genre ; Scramble qui introduit le scrolling forcé et les niveaux ; Xevious qui définit le modèle de level design des shooters verticaux modernes ; Gradius qui marque l’arrivée des powerups multiples ; et DonPachi qui définit le sous-genre des bullet hell, le plus courant dans les shmups modernes.

Le genre stagne au début des années 90 malgré l’amélioration de la qualité, et les jeux deviennent de plus en plus difficiles. Avec l’arrivée d’autres genres populaires en arcade et des RPG sur console, les shmups ne plaisent plus qu’aux fans les plus acharnés, et sont relégués à un marché de niche, depuis lors surtout fourni par des développeurs indépendants.

Les débuts de l’arcade

Spacewar! (1962) est un des premiers jeux vidéo jamais créés. C’est un shoot multijoueur, où les vaisseaux se dirigent comme dans Asteroids, et est étonnamment complexe : les joueurs doivent gérer leurs munitions, leur carburant, et la gravité des étoiles. Il a été développé sur PDP-1, un « mini-ordinateur » d’environ 2 mètres de haut et vendu à 50 exemplaires. Il n’était évidemment disponible qu’aux quelques académiciens et chercheurs qui avaient accès à cette machine, mais son influence est considérable, et sa popularité non négligeable.

Computer Space (1971, Syzygy) est globalement une repompe simplifiée de Spacewar! : il retire les munitions et le carburant, et rajoute des ennemis qui tirent sur le joueur. C’est le premier jeu vidéo commercial, et la première borne d’arcade. Il n’a pas été un succès retentissant, mais a lancé les idées à la fois des jeux vidéo en tant que produit commercial, et des bornes d’arcade avec hardware dédié.

Gun Fight / Western Gun (1975, Taito) est très peu connu, mais c’est non seulement le premier véritable twin stick shooter (un contrôle pour le personnage, un contrôle pour orienter le tir), le premier jeu avec des armes réelles, et le premier jeu qui fait s’affronter des figures humaines, mais aussi le premier jeu d’arcade avec un microprocesseur !

Shmups verticaux et horizontaux

⭐ Space Invaders (1978, Taito) est le premier jeu vidéo arcade à succès retentissant. Ce dernier n’est arrivé qu’un ou deux ans après la sortie du jeu, mais une fois le phénomène établi, il était possible de trouver des bornes Space Invaders absolument partout. Il crée ou rend populaire de nombreuses choses reprises partout depuis : les vies multiples, le high score qui reste mémorisé, les ennemis avec de vrais sprites et une certaine « personnalité », une difficulté croissante avec les ennemis qui accélèrent, une musique de fond, etc. Son côté addictif peut être résumé à une caractéristique : il est impossible de gagner, le jeu devenant de plus en plus dur, le but est uniquement d’avoir un score le plus haut possible.

Sky Raider (1978, Atari) est un « proto-shmup » qui est le premier jeu du genre avec un scrolling vertical.

⭐ Galaxian (1979, Namco) reprend le principe de Space Invaders, et y ajoute des ennemis qui « cassent » la formation pour descendre sur le joueur, avec des ennemis aux comportements différents, et des tableaux différents ; sa suite Galaga (1981), similaire mais plus moderne et dynamique, est bien plus connue.

Asteroids (1979, Atari) reprend le concept de Spacewar! et Computer Space, mais n’a quasiment aucun ennemi, le joueur devant survivre face à l’arrivée massive d’astéroïdes. Il a tellement de succès qu’Atari doit équiper la borne d’une « boîte à pièce » plus grosse que d’habitude.

Ozma Wars (1979, SNK) est le premier jeu avec une barre de vie.

Carnival (1980, Sega) est un des premiers jeux avec un round bonus lorsque certaines conditions sont atteintes.

Helifire (1980, Nintendo) est le premier shmup à scrolling horizontal, même si celui-ci se fait de gauche à droite, à l’inverse de tous les suivants.

Radar Scope (1980, Nintendo) est le premier shmup qui permet de tirer plusieurs projectiles à la suite, alors que les précédents n’autorisaient qu’un seul tir à l’écran, et introduit un effet de perspective qui sera repris par Beam Rider (1983, Atari 2600) et Silpheed (1993, PC-88). Radar Scope est aussi célèbre pour s’être tellement mal vendu que Nintendo a développé Donkey Kong (1981, Nintendo) en réutilisant le hardware de la borne.

⭐ Defender (1981, Williams) est le premier shmup à scrolling libre en ayant aussi un écran orienté horizontalement. C’est aussi un des premiers à avoir une mini-map, ce qui permet au jeu de « continuer hors écran », et il introduit les mégabombes qui nettoient l’écran des tirs ennemis. Le jeu est extrêmement difficile, notamment à cause de ses contrôles complexes basés sur un grand nombre de boutons, mais ça ne l’empêche pas de rencontrer un grand succès.

⭐ Scramble (1981, Konami) n’est pas très connu par le grand public, mais c’est pourtant une étape importante dans l’histoire des shmups : c’est le premier shmup à scrolling automatique, et qui a de multiples niveaux avec des styles visuels différents, un terrain sur lequel on peut s’écraser et qui n’est pas uniquement esthétique, deux tirs (laser et bombe) qui peuvent tous deux affecter toutes les cibles… soit à peu près la base de tous les shmups modernes. Il y aura une vague de « Scramble Clones » comme il y a eu une vague de « Space Invaders Clones ».

Zero Hour (1981, Universal) est le premier shmup à scrolling vertical traditionnel selon nos définitions actuelles : le vaisseau peut se déplacer dans toutes les directions, et il y a de nombreux sprites à l’écran, ennemis mais aussi tirs du joueur et des adversaires, ainsi que différents niveaux. C’est un jeu important dans l’histoire des shmups, mais son manque de succès commercial ne le rend pas très influent.

Vanguard (1981, SNK) alterne scrolling horizontal et vertical, et permet de tirer dans toutes les directions.

Bosconian (1981, Namco) est le premier shmup à déplacement libre, où l’on peut explorer la carte à loisir, finalement assez peu exploré dans le genre des shmups, et repris par Time Pilot (1982, Konami).

Gorf (1981, Midway) a cinq tableaux qui se jouent totalement différemment, et reprend successivement Space Invaders, Galaxian, Space Firebird, ainsi que d’autres tableaux plus originaux. C’est aussi un des premiers jeux avec un combat de boss dans le dernier tableau.

Space Seeker (1981, Taito) permet de choisir un niveau, et alterne scrolling et shoot à la première personne.

⭐ Xevious (1982, Namco) est probablement le second jeu majeur du genre. Il mélange un scrolling forcé vertical avec des arrière-plans détaillés d’inspiration réaliste et pas seulement quelques étoiles, des niveaux distincts visuellement bien qu’ils utilisent tous le même environnement, deux niveaux d’attaque (sol/air), une difficulté adaptative qui augmente lorsque le joueur ne perd pas, et des boss de fin de niveau. Il n’a inventé aucune de ces choses, mais c’est le premier à tout mélanger, et devient en ce sens la « formule de base » des shmups à venir.

Zaxxon (1982, Sega) est le premier shmup isométrique, style très peu fréquent dans le genre ; on pourra noter Desert Falcon (1987, Atari) ou Viewpoint (1992, Sammy).

Front Line (1982, Taito) est le premier shooter multidirectionnel à scrolling avec un environnement réaliste, formule qui sera reprise avec succès par Commando (1985, Capcom) après la sortie du film Rambo.

Moon Patrol (1982, Irem) est le premier jeu à introduire du scrolling parallaxe pour introduire une impression de profondeur.

⭐ 1942 (1984, Capcom) introduit le concept de powerups qui apparaissent suite à la destruction de certains ennemis.

⭐ Gradius (1985, Konami) est le troisième jeu le plus influent, en combinant d’excellente manière bon nombre de concepts déjà existants, mais c’est surtout le premier qui a des powerups réellement différents, là où les précédents se contentaient d’améliorer la puissance de feu du joueur, et des niveaux avec des ambiances différentes. Il laisse d’ailleurs le choix des powerups, permettant ainsi à chacun de jouer de la manière qu’il le souhaite. Sa difficulté très élevée nécessite de mémoriser les apparitions des ennemis, ce qui sera également repris par la plupart des shmups par la suite.

Tiger Heli (1985, Toaplan) est un shooter militaire classique mais populaire, et est avant tout notable pour son invention de la « smart bomb », une bombe qui supprime les tirs ennemis et peut ainsi être jouée aussi bien défensivement qu’offensivement.

TwinBee (1985, Konami) est le premier jeu d’un genre depuis appelé « cute’em up » : un shoot’em up, mais mignon et rigolo. Il inspirera plusieurs successeurs, dont Fantasy Zone (1986, Sega), ou Parodius (1988, Konami).

Zanac (1986, Compile) invente une IA adaptative qui change en fonction du comportement du joueur, et perfectionne un système avancé de powerups pour leur donner une identité propre, qui sera repris dans de nombreux shmups du développeur, dont la série Aleste / Power Strike (1988, Compile).

Star Soldier Special Version (1986, Hudson Soft, Famicom) introduit le concept d’un « caravan mode », une course au high score très courte et technique, système souvent utilisé en compétition depuis.

Darius (1986, Taito) utilise une borne impressionnante avec trois écrans côte à côte, et ses multiples embranchements permettent de nombreuses fins.

⭐ R-Type (1987, Irem) est un autre jeu majeur avec un énorme succès. Bien qu’il ne révolutionne rien, il a un style graphique très particulier inspiré de HR Giger (Alien) avec des boss énormes et uniques, et il transforme le gameplay traditionnellement extrêmement nerveux et basé sur les réflexes, en jeu lent et méthodique, notamment avec la possibilité de charger son tir, ce qui lui donne un feeling unique.

⭐ Contra (1987, Konami) applique la formule de tirs en continu et d’évitement de balles propres aux shmups, et le place dans un contexte de jeu de plateformes minimaliste, et définit ainsi le genre « run and gun », qui est caractérisé par cette concentration sur les tirs plutôt que l’aspect plate-formes.

Raiden (1990, Seibu Kaihatsu) n’invente rien, mais est un amalgame de toutes les bonnes idées des shmups de l’époque, et avec son souci du détail, il sera un très gros succès en arcade pendant plusieurs années.

Batsugun (1993, Toaplan) et notamment sa « Special Version » (prototype non commercialisé) est généralement considéré comme étant l’origine du style bullet hell/danmaku, où l’on se concentre plus sur l’évitement des balles que viser les ennemis, avec notamment une hitbox réduite qui permet aux balles de toucher visuellement le vaisseau sans le détruire.

⭐ DonPachi (1995, Cave) explore plus avant la formule de Batsugun, et sera une référence du bullet hell/danmaku/manic shooter : hitboxes réduites à leur plus simple expression, barrage constant d’une énorme quantité de tirs ennemis, arme du joueur qui permet de basculer entre des tirs larges mais peu puissants ou des tirs concentrés qui font ralentir le vaisseau, boss à patterns avec plusieurs phases, etc.

Twinkle Star Sprites (1996, SNK) est le premier jeu à proposer un mode versus, chose qui reste malheureusement assez rare, et des éléments de puzzle game.

Touhou, dont la série débute en 1996 sur PC-98, se transformera progressivement en série de danmakus très populaires, accessibles, et gratuits, ce qui contribuera à leur propagation et à la popularité du genre.

⭐ Radiant Silvergun (1998, Treasure, Saturn) est considéré comme un des meilleurs shmups jamais créés : outre sa réalisation au top, il a trois armes qui peuvent être combinées, un moyen de renvoyer les balles ennemies, invente le grazing/scratch qui augmente le score en frôlant les balles, un système d’expérience, des morceaux de puzzle game, et développe un véritable scénario présenté par des cinématiques.

Il y a de nombreux autres excellents shmup depuis, mais depuis l’évolution est plus progressive, avec moins de jeux « révolutionnaires », la plupart reprenant les codes existants, ou y mêlant d’autres genres existants.


Twin stick shooters

Dérivés des shmups, les twin stick shooters sont caractérisés notamment par la possibilité de se déplacer et de tirer dans n’importe quelle direction.
Le genre a connu un certain succès dans les années 80, puis est totalement tombé à l’abandon jusqu’à l’apparition des consoles à double stick standards, notamment sur la génération PS3/Xbox 360 où le genre est revenu en force.
A noter que « twin stick shooter » est une appellation récente apparue car on utilise les deux sticks analogiques des consoles modernes ; les jeux plus anciens n’utilisaient pas forcément deux sticks.

Sheriff (1979, Nintendo) prend le modèle de Gun Fight (1975) et y ajoutera la possibilité de se déplacer librement.

Berzerk (1980, Atari) est un des premiers jeux (mais pas le premier) avec de la synthèse vocale, et des salles générées aléatoirement, et bien qu’il n’utilise qu’un seul stick, il sera une grosse inspiration pour d’autres jeux du genre.

⭐ Robotron 2084 (1982, Williams) est le premier du genre à permettre de tirer et de se déplacer indépendamment et simultanément ; cette caractéristique en fera le premier jeu populaire du genreSmash TV (1990, Williams), autre grand succès, repompe totalement la formule mais dans un environnement dystopique.

Dandy (1983, Atari, Atari 8 bits) mélange des donjons labyrinthiques de RPG (ou de Pac-Man, au choix) avec un gameplay de twin stick shooter, le joueur pouvant tirer dans 8 directions. Certains monstres sont placés dès l’entrée dans une pièce, et d’autres sont créés par un « générateur de monstres » qui doit être détruit.

⭐ Gauntlet (1985, Atari) copie Dandy au point d’en subir un procès ; c’est le premier jeu du genre à être jouable à 4 joueurs en simultané.

Ikari Warrior (1986, SNK) est le premier jeu à utiliser des joysticks rotatifs (rotary sticks), mais ceux-ci sont assez fragiles et seront peu utilisés.


Rail shooters

Les rail shooters sont une forme de shmup dans lequel le scrolling se fait « en profondeur », et le joueur avance « dans » l’image.

Radar Scope (1980, Nintendo) est le premier shooter qui introduit une perspective en profondeur, mais il n’y a pas encore de scrolling.

⭐ Tempest (1981, Atari) est le premier « tube shooter », avec des ennemis qui nous arrivent dessus avec un effet de perspective, mais il n’y a un scrolling qu’entre les tableaux.

⭐ Buck Rogers: Planet of Zoom (1982, Sega) est un des premiers véritables rail shooters, avec du sprite scaling pour simuler l’effet de profondeur.

Astron Belt (1983, Sega) est le premier jeu Laserdisc, et superpose aux vidéos le vaisseau du joueur et les tirs ennemis.

⭐ Space Harrier (1985, Sega) se joue dans une borne rotative sur vérins, technologie qui sera aussi utilisée par After Burner (1987, Sega).

Starblade (1991, Namco) est le premier shooter en 3D polygonale.

⭐ Star Fox (1993, Nintendo) est le premier shooter avec une véritable histoire mise au premier plan, alors qu’elle servait surtout de prétexte auparavant.


Light gun

Les jeux au « light gun », où l’on utilise des pistolets pour viser et tirer directement sur l’écran, ont leurs racines dans les jeux électromécaniques, qui utilisaient des « pistolets à lumière » et des capteurs. Nintendo était parmi les premiers à utiliser cette technologie en 1970, leur dernier jeu du genre s’appelant… Duck Hunt (1976).
Nombre de jouets et de jeux d’arcade utilisent ces systèmes dans les années 70 et 80, mais aucun n’a connu un succès notable, et tous sont très basiques. On notera surtout Wild Gunman (1974, Nintendo) qui projette un film (en 16mm) sur un écran durant la partie.
Ce n’est qu’avec l’arrivée des jeux vidéo plus modernes que le genre devient véritablement populaire.

Duck Hunt (1984, Nintendo) est le premier jeu populaire dans le genre, son existence en tant que jeu de lancement souvent en bundle avec la NES n’y étant probablement pas étranger.

Operation Wolf (1987, Taito) est le premier qui a un scrolling automatique avec des ennemis qui apparaissent soudainement, et définit donc la formule pour tous les jeux du genre à venir. Il sera copié par de nombreux jeux, dont Alien Brigade (1990, Atari).

Lethal Enforcer (1992, Konami) utilise des photos de personnes et environnements réels et déclenche une polémique car le jeu vidéo devient « trop réaliste ».

Virtua Cop (1994, Sega) est le premier jeu du genre en 3D polygonale, et qui localise les dégâts, en plus de signaler l’arrivée des ennemis.

Le genre connaît une vague de popularité dans les années 90, avec notamment Time Crisis (1995, Namco) et House of the Dead (1996, Sega), puis s’arrête assez brutalement à l’apparition des télés à écrans plats, qui ne permettent plus d’utiliser cette technologie.

Tant que la technologie du « light gun » n’était pas assez fiable pour les jeux d’arcade, certains jeux « trichent », en utilisant un trackball ou un joystick pour déplacer un curseur à l’écran, souvent en « déguisant » ce joystick en arme : ce sont les « fixed guns ».

Cabal (1988, Taito) est le premier qui mélange shmup (déplacement d’un personnage qui évite les tirs) et ce système de déplacement de curseur à l’écran, avec un trackball.

Plusieurs jeux console reprennent le concept, notamment Nam 1975 (1990, SNK) et Wild Guns (1994, Natsume), mais avec un seul contrôle qui alterne entre déplacement et tir.

Terminator 2 Judgement Day (1991, Midway) est le premier qui déguise son joystick en arme, ce qui sera copié par Alien 3 The Gun (1993, Sega).