L’Alpha est une borne d’arcade conçue par Evercade, qui proposent un système de cartouches officielles de rétrogaming, et qui coûte environ 250€, ce qui n’est pas donné – pour référence, l’Astro City Mini et la NeoGeo Mini sont plutôt autour de 100€. Evercade propose également une console portable horizontale (la EXP), une verticale format Game Boy (la Super Pocket), une console de salon (la VS).
Conception
Dès la réception du colis, gros choc par rapport aux mini-machines type Astro City Mini, NeoGeo Mini ou Egret 2 Mini : la Evercade Alpha est énorme, elle fait plus de deux fois la hauteur de l’Astro City Mini V ! Malheureusement cette taille impressionnante est surtout due au bandeau lumineux qui fait 12cm (un quart de la dimension totale) et ne sert donc pas à grand-chose ; j’aurais aimé pouvoir la ranger plus facilement… Cela dit, même en supprimant le bandeau je n’aurais pas pu mettre la machine dans une étagère pour autant : un livre A4 arrive pile au niveau du haut de l’écran.
En l’état, c’est vrai que la borne reprend fidèlement le design et les proportions de la borne originale en version « Big Blue », qui avait aussi un bandeau ridiculement gros. Je n’aurais pas non plus craché sur un écran plus grand d’un ou deux pouces, mais cela aurait rendu compliqué l’intégration du décor autour, qui contribue énormément au charme de l’ensemble avec les messages qui expliquent comment jouer, tout comme les côtés bleus avec le logo, le control panel « grainé », les boutons rouges/blancs/bleus qui indiquent l’action associée, etc. L’illustration du bandeau lumineux peut d’ailleurs être modifiée, deux alternatives sont fournies dans la version normale (5 dans la version deluxe) mais je trouve que ça rend moins bien, car ça retire la cohérence d’avoir une borne complètement décorée en « Street Fighter II Champion Edition ».
Sous les contrôles se situe le bouton on/off qui reproduit le look du monnayeur : une petite touche sympathique, même si c’est caché par le control panel quand on pose la machine sur une table. En revanche, les enceintes sont sur le côté : c’est idiot, ça rend le son mauvais car il ne s’entend vraiment pas bien, et les enceintes de qualité médiocre donnent un son très nasillard. Je suis sûr qu’ils auraient pu faire autrement, parce que là c’est assez dégueulasse.
En terme de construction, les panneaux sont en bois aggloméré, bien solides, montés avec des vis de manière très propre, cachées par des cache-vis qui ont une encoche pour pouvoir être retirés proprement ; je n’ai pas tenté de tout démonter, mais je pense que ça ne doit pas être difficile de remplacer l’intérieur par du custom, pour quelqu’un de bricoleur.
Fonctionnalités
La borne utilise un écran de 8″ de résolution 1024×768, ce qui ne permet jamais de jouer en pixel perfect en plein écran, mais est d’assez haute résolution pour que ça ne soit pas gênant. Il est plus haut que l’écran de 4.6″ de l’Astro City Mini V, donc si vous arrivez à jouer à des jeux verticaux sur cette dernière, il n’y a pas de raison que vous n’y arriviez pas sur l’Alpha.
En terme de connectique, l’Evercade Alpha s’alimente par un port USB-C standard, et fonctionne parfaitement avec un chargeur de téléphone 2A (10W) qui traîne, même si un chargeur est fourni, ce qui est devenu assez rare pour être souligné. L’avant possède également une prise casque qui permet de palier aux hauts parleurs médiocres, ainsi que deux prises USB pour y brancher des contrôleurs. Il n’y a en revanche pas de sortie HDMI, mais ce n’est pas très étonnant : si vous voulez jouer à la Evercade sur TV, il est plus logique d’acheter une VS, qui coûte moins que la moitié de l’Alpha. La console utilise le wifi, qui ne sert que pour les mises à jour du système et de certaines cartouches ; j’ai d’ailleurs eu beaucoup de mal à le faire fonctionner, j’ai dû remettre la machine à zéro avant qu’elle accepte de se connecter, mais depuis je n’ai plus de souci.
La machine possède deux ports USB en façade pour y brancher des manettes ou des sticks, et la bonne nouvelle, c’est que la large majorité des manettes devraient être compatibles. Officiellement, Evercade supporte les contrôleurs PS4, PS5, Xbox 360, Xbox One, et 8bitdo, mais j’ai testé également le stick de l’Egret 2 Mini et il a été reconnu sans problème ; il suffit d’aller faire un tour dans les options pour régler les touches correctement. Une fois configuré rien de plus simple pour les utilise : le port 1 est le joueur 1, le port 2 est le joueur 2 ; c’est simple, pratique, et permet d’éviter les mauvais surprises.
On peut évidemment utiliser les cartouches Evercade dans l’Alpha, qui possède deux ports, pour permettre de changer de jeux moins souvent. Evidemment, ce sont les jeux arcade qui seront les plus intéressants vu la machine, mais techniquement tous les jeux sont compatibles, même s’il manque 2 boutons (L2/R2) pour les jeux Playstation (vous pouvez brancher une manette), et que ce n’est pas forcément très pratique de jouer à des jeux console avec un stick.
Contrôles
Le stick et les boutons sont de taille standard, et de très bonne qualité : la version « deluxe » utilise des éléments Sanwa, mais très franchement à moins d’être un habitué je ne sais pas si vous verriez la différence ; ils ont à peu près le même feeling que mon stick 8bitdo. Le stick est de type « poire » et est très confortable ; le restricteur est carré, j’aurais aimé un octogonal mais malgré ça les hadoukens sortent parfaitement, c’est vraiment du très bon matériel. Petit détail, la surface du panel est légèrement granuleuse, ce qui donne un toucher plus agréable que le plastique lisse de la plupart des reproductions de ce type.
Les bricoleurs seront intéressés de savoir qu’il est très facile de démonter le panel : deux vis sur les côtés et c’est tout. Le stick et les boutons utilisent des connectiques standards, et le câblage est très propre ; si vous voulez mettre du Sanwa ou tout simplement changer la couleur des boutons, ça sera l’affaire de quelques minutes.
Je suis honnêtement admiratif de l’effort fourni à ce niveau-là : il est très clair que les concepteur ont volontairement facilité le remplacement des contrôles, et c’est assez rare pour être souligné et salué.
Logiciel
Les menus sont globalement identiques à ceux de la EXP, avec la gestion de sa collection et un petit jeu gratuit chaque mois lors de la mise à jour mensuelle. Les options d’affichage sont standard : ratio d’origine, pixel perfect ou plein écran, des scanlines qui rendent plutôt bien, et des décorations quand le jeu n’est pas en plein écran, comme les jeux verticaux. L’écran en 1024×768 donne une résolution de x3,2 pour les jeux en 320×240, donc le plein écran n’est jamais pixel perfect, mais je trouve que ça rend plutôt bien, il y a parfois un peu de shimmering mais c’est pas gênant. Comme d’habitude la machine ne propose que des saves states et rien d’autre, même si les dernières mises à jour (fin 2024) ont rajouté le tir automatique sur certains jeux, et la sauvegarde des high scores. Le plus gros manque est l’impossibilité d’accéder aux dip switches, il n’y a donc pas de réglage de difficulté sur les jeux arcade, qui sont parfois affreusement difficiles.
Jeux
La borne en version « Street Fighter » inclut 6 jeux : Street Fighter II Champion Edition (la seconde version, à vitesse « lente » et où l’on peut jouer les boss), Super Street Fighter II Turbo (la dernière version, très énervée et avec une barre de super), Street Fighter Alpha 1, 2 et 3, et Super Puzzle Fighter 2 Turbo (un jeu de puzzle typé Puyo Puyo). Il existe une version « Mega Man » qui inclut Mega Man The Power Battle (un boss rush arcade en coop), Mega Man 2 The Power Fighters (sa suite avec d’autres boss), Carrier Air Wing (un shoot’em up horizontal), Final Fight (célèbre beat’em up), Knights of the Round (beat’em up médiéval), et Strider (plateforme).
Sur cette version Street Fighter, inclure Champion Edition et Super Turbo est intéressant car ils sont vraiment différents. En revanche, avoir les trois Street Fighter Alpha est idiot : autant le 3 est sensiblement différent avec ses « -ism », autant le premier est simplement moins complet que le second, avec seulement 10 personnages contre 18. Je doute que Street Fighter III puisse être émulé sur le matériel peu puissant des Evercade, mais en restant dans la série Street Fighter, ils auraient pu remplacer Alpha 1 par Pocket Fighter/Super Gem Fighter par exemple, ou même, soyons fous, Hyper Street Fighter II (une version « ultime » qui mélange toutes les éditions), ou tout bêtement Hyper Fighting (Champion Edition mais plus rapide). Et en élargissant un peu tout en restant dans la baston, ils auraient pu mettre Darkstalkers ou Cyberbots, sans oser rêver des jeux sous licence Marvel.
La version Mega Man est beaucoup plus équilibrée avec des très bons jeux de genres divers, et pas de doublon… mais pas de baston ! C’est vraiment frustrant qu’il y ait ces deux versions séparées, surtout vu le prix et l’encombrement de la machine ! Sur une petite borne à 100€ j’aurais pu me laisser tenter, mais là c’est juste impossible, et comme ces jeux ne sont pas disponibles en cartouche, il est impossible d’échanger…
Evidemment, à côté de ça il y a tout l’écosystème Evercade, avec des dizaines de cartouches et des centaines de jeux, même si ce sont plutôt les jeux arcade qui seront intéressants sur une borne d’arcade. Et ça tombe bien, il y a le choix et la variété : prenez la borne Street Fighter, rajoutez la cartouche Technos et une Toaplan, et vous avez une très large sélection de styles dans une seule borne.
Cartouches
Evercade gagnant surtout de l’argent sur les cartouches, la console essaye de les vendre dès les menus : une entrée est dédiée à admirer sa collection, en listant les cartouches possédées, celles qu’on ne possède pas, celles qui sortent bientôt (mis à jour tous les mois), il y a un petit descriptif de la société et de chaque jeu (y compris ceux qu’on ne possède pas), on peut trier les cartouches par type (arcade, console ou ordinateur) et les jeux par genre, bref c’est vraiment bien fait, et tout est fait pour nous donner envie d’acheter toute la collection, de manière intelligente.
Ce concept de cartouches est d’ailleurs vraiment intéressant, et soyons honnêtes, posséder un artefact physique et légal est le seul intérêt de la machine ; vous trouverez mieux pour moins cher avec de nombreuses machines d’émulation. Mais pour les personnes qui accrochent au concept, Evercade fait les choses bien : des boîtes standardisées, un manuel dans chacune qui explique l’historique des jeux et du développeur, et parfois quelques infos sur le gameplay lorsque c’est intéressant. Les boîtes sont numérotées sur la tranche, ce qui poussera les collectionneurs à acheter aussi celles qui ne les intéressent pas pour ne pas avoir de « trou » ; méfiez-vous si vous êtes facilement influencé par ce genre de chose…
Chaque cartouche coûte 20€ (25 pour les plus grosses qui comportent plusieurs jeux Playstation) et comporte entre 2 et une douzaine de jeux voire plus, mais en général il y en a juste 5 ou 6. Divisées en plusieurs gammes (rouge pour les consoles, bleues pour les ordinateurs, violettes pour l’arcade), elles sont regroupées par éditeur ou développeur (ou en tout cas par ayant-droits) : il y a quelques classiques comme Atari, Namco, Data East ou Technos, mais la plupart sont composées de jeux de développeurs moins connus mais qui conservent parfois une certaine aura, comme Interplay, Gremlin ou Bitmap Brothers, et il y a de plus en plus de cartouches de petits jeux indépendants plus récents ; il n’y a en revanche pas de « gros » éditeur comme Nintendo ou Sega. Il en sort au moins une nouvelle par mois, souvent plusieurs, et il y en a pour tous les goûts, avec un penchant pour la qualité plutôt que la quantité : cela ne veut pas dire que tous les jeux sont bons, mais ils ont tous quelque chose d’original ou d’intéressant, et je n’ai pas vu de jeu véritablement mauvais et sans rien pour le racheter, sauf exception historique comme « c’est le premier jeu du développeur ».
Ce manque de « gros titres » peut en rebuter certains, mais il faut le voir d’une autre manière : les Zelda, Mario et Sonic classiques sont disponibles partout depuis 30 ans, vous y avez déjà joué 100 fois, et cette focalisation (en partie) volontaire sur les éditeurs « alternatifs » vous permet de découvrir des titres méconnus, pas mauvais pour autant, qui n’ont parfois jamais été réédités légalement depuis leur sortie initiale, et que vous n’auriez jamais lancé si vous avez accès à tous les jeux que vous voulez avec les machines d’émulation. Autre avantage de ces sélections réduites et variées, il m’est arrivé plusieurs fois d’acheter une cartouche pour un titre spécifique, et de découvrir de véritables perles qui m’étaient inconnues jusque là, ou d’apprécier des jeux que je n’avais testé que quelques secondes auparavant.
L’Evercade Alpha est une borne d’excellente qualité ; beaucoup plus chère et plus grosse que les petites de chez SNK, Sega ou Taito, avec des contrôles standards d’excellente qualité, et la compatibilité avec toute la ludothèque Evercade, c’est un certain investissement, mais je ne le regrette pas un instant.