Xenoblade Chronicles 2

Xenoblade Chronicles 2 est, vous vous en doutez, la suite du premier… sauf que non : comme pour les Final Fantasy, les jeux reprennent des éléments communs, mais les univers des deux titres sont sensiblement différents et ne sont pas liés directement.

Déjà, l’histoire de ce second épisode est beaucoup mieux écrite : pour rappel, le premier était extrêmement manichéen, le début séparait les méchants et les gentils dès l’introduction, le personnage principal était rapidement désigné comme « l’élu », et se concluait sur la victoire du pouvoir de l’amitié (littéralement). Ici, c’est beaucoup plus subtil : on apprend progressivement qui sont les méchants, ce qui les motive, quels sont leurs moyens, et on comprend bien que ce n’est pas vraiment tout noir ou tout blanc ; c’est mieux écrit, mieux amené, et même si les personnages sont souvent niais tendance idiots à donner envie de leur coller des baffes, et qu’il y a encore beaucoup de clichés (notamment le fameux pouvoir de l’amitié) j’ai beaucoup moins souvent levé les yeux au ciel. A noter par ailleurs que le jeu est très bavard, et qu’il y a des moments où les longues cinématiques s’enchaînent, au point de parfois faire passer la console en veille.

L’univers se repose sur un principe un peu similaire : le monde est recouvert d’une « mer de nuages », parcourue par des titans ; ceux-ci sont de diverses tailles, qui vont du gros animal à des continents entiers. C’est sur les plus gros que vivent les humains et autres créatures, il y a évidemment des guerres pour occuper les terres limitées, et le tout est enrobé de sous-texte religieux : l’Architecte qui a créé le monde, Elysium qui serait un paradis inaccessible (mais que l’on va quand-même chercher à atteindre), etc. Les humains peuvent devenir des « pilotes » en entrant en résonnance avec des « cœurs », qui renferment des « lames » qui se matérialisent sous forme de personnages : certains d’apparence humaine ou humanoïde, d’autres plus bestiales. C’est Pyra, une lame légendaire, qui servira de point central à l’intrigue, qui tourne beaucoup autour des relations entre lames et pilotes, mais on cherchera surtout à arrêter la destruction du monde (pour changer).

Le monde de Xenoblade 2 est plutôt vaste, on pourrait même sans doute parler d’open world, mais avec un bémol : les titans étant physiquement éloignés les uns des autres, on ne peut pas passer de l’un à l’autre à pied. On y trouvera des monstres qui se promènent, des villes et villages, des PNJ qui nous proposent des quêtes secondaires, et de nombreux secrets, le tout dans des environnements qui varient d’un titan à l’autre : verdoyant ou désertique, cavernicole, etc. Ce level design est une vraie force de cet épisode : alors que le premier avait du mal à exploiter l’univers pour en faire quelque chose de crédible, on a très bien ici le sentiment que l’on se promène sur de gigantesques bestioles : on aperçoit toujours au loin une tête ou une nageoire de plusieurs kilomètres de long qui bouge, et le relief a une vraie cohérence avec les parties du corps, même si elles ne sont pas réalistes pour un sou : par exemple les épines dorsales sont souvent des chaînes de montagne, mais on peut aussi bien se balader à l’intérieur d’un estomac.

Les combats utilisent un système similaire au premier : on équipe une lame qui nous donne une arme et des « arts », des attaques spéciales. Le personnage attaque tout seul, ce qui recharge les arts, qui se déclenchent avec les boutons ; si on a plusieurs lames équipées, on peut en changer avec les flèches du pavé directionnel, ce qui nous donne accès à d’autres arts. Chaque lame est associée non seulement à un rôle (attaque, défense ou support), ce qui permet de changer en fonction des besoins du combat, mais aussi à un élément : feu, eau, électricité, vent, etc. Chacun de ces éléments a un élément opposé qui lui fait plus de dégâts ; ce n’est pas un système pierre/feuille/ciseau, mais beaucoup plus basique : l’eau est forte contre le feu, qui est fort contre l’eau.

Pour varier les combats, le jeu propose plusieurs système de combos : les enchaînements de statuts (déséquilibre, chute, projection, etc) pour faire plus de dégâts, et les combos élémentaires qui ont divers effets, le tout avec des petits QTE très simples (deux possibilités, une seule touche) et facultatifs. Il y a un autre système plus avancé : effectuer une attaque élémentaire crée un orbe qui tourne autour de l’ennemi ; quand la jauge en haut à gauche est remplie, on peut déclencher un gros combo d’équipe, et durant ce combo faire une attaque élémentaire opposée casse les orbes, ce qui charge une autre jauge, qui fait une très grosse attaque une fois remplie. C’est compliqué à expliquer mais pas si difficile que ça à réaliser, et totalement facultatif pour terminer l’histoire : j’ai compris le fonctionnement uniquement après avoir fini le jeu. Tout cela dynamise sérieusement le gameplay, surtout à la fin où les arts s’enchaînent plus vite, et il est plutôt agréable ; en revanche il n’est pas vraiment tactique, même contre les boss, car la stratégie est toujours la même : utiliser des éléments pour créer un maximum d’orbes, déclencher le combo d’équipe, et recommencer.

Les lames se récupèrent avec des cœurs que l’on trouve un peu partout, en 3 niveaux de rareté : commun, rare et légendaire, et les lames elles-mêmes sont en deux variantes : générique (aspect et caractéristique aléatoires) ou unique, au nombre d’environ 40. On touche là un des aspects les plus frustrants du jeu : obtenir une lame se fait avec une sorte de gacha, c’est à dire qu’en ouvrant un cœur, on tombera parfois sur une lame unique, mais le plus souvent sur une lame commune, la rareté du cœur ne faisant qu’augmenter légèrement la probabilité d’ouvrir une lame unique. Je n’en ai personnellement jamais obtenu avec un cœur légendaire, et il faut ouvrir vraiment beaucoup de rares pour obtenir une lame unique, même si certaines se récupèrent grâce à des quêtes secondaires.

A part les lames, la personnalisation est relativement limitée : on peut juste changer les 3 arts équipés parmi 4 et les améliorer, améliorer les armes des lames, et équiper des accessoires qui donnent des petits bonus. On pourra aussi remplir un « sociogramme », une grille de boosts divers qui se débloquent en faisant diverses actions, comme éliminer quelques monstres spécifiques, ou faire plusieurs fois une action durant un combo ; le tout donne de petits bonus incrémentiels, +10% par ici, +5% par là, qui ne font que rendre un personnage plus puissant et ne changent pas vraiment la stratégie des combats. Il y a également des matériaux à récupérer pour fabriquer divers accessoires, mais ceux ci n’ont pas grand intérêt, font souvent doublon avec ceux que l’on ramasse, et le tout donne l’impression d’une profonde inutilité.

La difficulté de Xenoblade 2 est assez frustrante : le jeu n’est pas difficile (surtout en mode facile) mais les environnements sont parcourus d’ennemis puissants, et il n’est pas rare d’être en plein combat contre quelques ennemis lambda, et de se faire démolir en 2 coups par un monstre avec 20 niveaux de plus que nous qui passait par là. Et surtout, à partir du moment où ils nous attaquent, même en étant 10m plus loin, les coups nous touchent : impossible de fuir un combat sans dégât, le monstre nous touchera forcément au moins une ou deux fois, ce qui peut être très frustrant quand on se fait one-shot, d’autant plus que les ennemis nous poursuivent parfois sur des centaines de mètres, et que certains « élites » sont placés pile sur le chemin de la quête principale ; je ne me suis jamais fait autant mettre KO dans un RPG ! Heureusement, perdre n’est vraiment pas pénalisant : on réapparaît au dernier point de téléportation rencontré quasiment sans chargement, et sans malus ; même perdre contre un boss nous fait réapparaître à côté, ce qui permet soit de recommencer (sans se retaper les dialogues !) soit de partir pour mieux se préparer. De manière originale, battre des monstres et terminer des quêtes nous donne de l’XP, mais également de l’XP « bonus », que l’on peut dépenser dans une auberge ou un camp pour monter de niveau : il m’est arrivé régulièrement de gagner 5 niveaux de cette manière ; c’est un système intéressant, car cela permet de moduler la difficulté, et de ne l’utiliser que lorsque l’on veut se faciliter un peu la vie, sans rouler sur le jeu si l’on fait beaucoup de quêtes secondaires. D’ailleurs, je dois noter que si l’on joue « normalement », en éliminant juste les monstres sur son chemin, en faisant quelques quêtes secondaires de temps en temps, et en allant dépenser son XP bonus régulièrement, on n’a pas vraiment besoin de grinder.

La quête principale est, comme souvent dans le genre, un gigantesque jeu de piste : on se promène d’un endroit à un autre, pour chercher quelqu’un ou quelque chose, avec en bonus quelques détours inutiles qui ne servent qu’à prolonger la durée de vie artificiellement, comme un voleur que l’on poursuit sur 3 continents avant de revenir au point de départ sans avoir rien gagné. Le contenu facultatif est gargantuesque : outre les lames uniques à obtenir qui nécessiteront des centaines de cristaux, on trouvera des tonnes de quêtes secondaires, des coffres cachés, des ennemis uniques puissants, et autres zones secrètes. Les quêtes secondaires sont beaucoup moins typées « livreur FedEx » que dans le premier épisode : on devra bien aller chercher quelque chose ou éliminer des ennemis, mais c’est beaucoup plus élaboré. En revanche, j’ai été très déçu par leur intérêt : elles sont souvent longues à terminer, et les récompenses ne sont jamais à la hauteur : un peu d’argent et d’XP, un accessoire inutile, jamais mieux. J’ai rapidement arrêté d’en faire, et je me suis contenté de valider celles qui étaient faciles, ou que j’ai complété sans le vouloir. Au final, j’ai du mal à déterminer si le rythme du jeu est bon : d’un côté c’est parfois un peu répétitif, surtout sur la fin, mais d’un autre côté ça se laisse bien jouer en mode « détente », la progression est agréable, et j’ai toujours pris plaisir à reprendre ma partie.

Autre point négatif, qui est honnêtement un détail, mais qui m’a souvent « sorti du jeu » : le manque total de crédibilité de notre progression. Par exemple, je ne compte plus le nombre de combats de boss que l’on démolit sans sourciller en quelques secondes, suivi par une cinématique où les personnages sont en difficulté : il y a une énorme dichotomie entre le scénario, où les personnages sont sous pression, et le gameplay, qui n’en a aucune. De même, on peut se téléporter un peu partout et un peu n’importe quand : c’est très pratique, mais lorsque l’on peut se téléporter à l’autre bout du monde alors qu’on est censé être prisonnier, puis se re-téléporter dans sa cellule pour continuer l’aventure, ça me pose de grosses questions : les développeurs n’ont peut-être pas confiance dans la capacité des joueurs à finir une quête de quelques minutes sans s’ennuyer ? On peut également passer 50h à faire des quêtes secondaires alors qu’on vient de nous dire que tout le monde va mourir dans trois heures si on ne fait rien : difficile de s’impliquer réellement dans l’histoire quand manifestement rien n’est urgent !

Techniquement, Xenoblade 2 est partagé entre de jolis effets, une lumière travaillée, des environnements vastes et détaillés… et une résolution dynamique très basse (en mode portable) qui rend parfois le jeu quasiment illisible, surtout durant les combats un peu chargés, qui ressemblent parfois à des bouillies de pixels. C’est vraiment dommage, parce que les environnements et les ambiances sont vraiment chouettes, le design qui mélange l’organique et le mécanique est original, et il y a un cycle jour nuit mais aussi une météo ; avec une meilleure résolution cela aurait été vraiment parfait, d’autant plus que le framerate est plutôt stable.

Le jeu est entièrement doublé en anglais, et il n’est pas possible de changer la langue, ce qui en perturbera plus d’un avec les voix typées « Royaume Uni » (notamment Irlandais ou Ecossais) comme dans le premier ; personnellement j’aime bien, ça change des voix « US » habituelles. En revanche, les doublages sont très mal synchronisés en lipsync, et la balance des sons n’est pas terrible : il arrive que les dialogues soient couverts par la musique ou les bruitages.

J’ai terminé le jeu en 57h, en récupérant environ la moitié des lames rares, et je suis très loin d’avoir terminé toutes les quêtes secondaires que j’ai démarré.

Xenoblade Chronicles 2 est un RPG avec un gameplay intéressant et un contenu gargantuesque, mais une histoire pas toujours passionnante. J’y ai quand-même passé un bon moment, c’est un jeu parfait pour se détendre.

Torna: The Golden Country

Torna est une « prequel » qui raconte les évènements qui mènent à l’histoire du jeu principal ; il est vendu en DLC, mais peut aussi se trouver en stand-alone en physique.

Etant donné qu’on y incarne des personnages qu’on revoit dans le jeu principal, il vaut mieux l’avoir fait avant, sinon vous n’allez pas comprendre grand-chose, d’autant plus que la fin saute des étapes, en partant du principe qu’on connaît la suite et qu’on fera le lien tout seul. J’ai trouvé l’histoire beaucoup plus intéressante, très centrée sur les personnages, qui sont loin d’être aussi stupides que ceux incarnés dans le jeu de base et beaucoup plus matures ; on apprend progressivement à les connaître, de manière un peu aigre-douce : certains moments sont un peu tristes, quand on sait tout ce qui va leur arriver.

Le gameplay évolue légèrement car lorsque l’on change de lame, au lieu de changer les arts du pilote, on incarne directement la lame ; cela dynamise beaucoup les combats, sans vraiment changer le gameplay, qui se base toujours sur les combos et les enchaînements. Une partie du jeu se passe sur la grande plaine de Gormott un peu modifiée, et rajoute le titan de Torna, que l’on aura l’occasion de fouiller de fond en comble ; c’est un plutôt gros DLC, et il se termine en une vingtaine d’heures. Je lui reprocherai uniquement l’obligation de faire un bon nombre de quêtes secondaires pour remplir un cercle de « solidarité » qui ne sert à rien d’autre qu’à bloquer l’avancée dans l’histoire, ce qui rallonge la durée de vie très artificiellement.

Torna est un excellent DLC, qui corrige tous les problèmes du jeu principal, avec un gameplay plus riche, et une histoire beaucoup plus intéressante : indispensable si vous avez aimé le jeu de base.

Verdict : très bon