The Legend of Zelda: Tears of the Kingdom

J’avais beaucoup aimé Breath of the Wild, que j’avais trouvé très rafraîchissant avec son « vide » et sa manière de guider sans jamais tenir par la main, qui changeait beaucoup de la formule classique à boussole, marqueurs d’objectif et mini-carte remplie d’icônes, malgré quelques choix discutables comme les fameuses armes qui cassent. J’étais donc impatient de voir ce que Nintendo allait faire avec une suite directe qui se déroule sur la même carte avec les mêmes personnages, une première pour la série.

Attention, ce test part du principe qu’après aussi longtemps après la sortie du jeu, vous n’avez plus de problème à être spoilé : si vous ne voulez rien savoir avant d’y jouer, pourquoi ne l’avez-vous pas déjà lancé ?


Je dois avouer que mes premiers moments avec Tears of the Kingdom m’ont assez refroidi. Ca m’a donné le même effet que les Assassin’s Creed : j’aime beaucoup, c’est bien fait, mais c’est aussi un peu toujours la même chose, et durant les premières heures, j’ai eu l’impression de me faire une sorte de « new game+ » du précédent épisode avec quelques DLC. C’est en fait tellement proche qu’il est facile de retomber dans les routines que l’on avait acquises sur BotW, et de ne pas essayer les nouveautés ; j’ai passé la première partie du jeu à parcourir la carte pour débloquer les tours, et comme j’aurais dû m’y attendre, je n’ai pas du tout eu le sentiment de découverte permanente de BotW : alors que j’y avais passé mon temps à m’émerveiller de ce que je voyais, j’ai ici passé mon temps à me dire « ah oui je me rappelle de cet endroit », sans pour autant m’en souvenir assez bien pour noter les différences. En terme de gameplay également, il n’a malheureusement pas assez évolué : les combats se jouent strictement et exactement de la même façon, sans aucun nouvel élément, alors qu’ils n’étaient pas un point fort du précédent, ce qui donne presque l’impression de revenir en arrière.

C’est seulement après quelques heures de « déjà vu » que l’impression de réchauffé commence à se dissiper : quand on suit l’histoire, bien plus scénarisée ; qu’on commence à remarquer les modifications de la carte, parfois importantes ; qu’on fouille dans les nouveaux endroits comme le sous-sol ou le ciel ; ou que l’on suit les quêtes secondaires qui demandent de parcourir le monde. Paradoxalement, alors que j’ai eu plus de mal à rentrer dans TotK que dans BotW, je n’aurais probablement pas pu passer autant de temps sur ce dernier (60h sur BotW, 125h sur TotK) car la découverte était géniale, mais la motivation beaucoup moins présente.


Vous l’aurez compris, la structure du jeu n’a pas changé : se balader, faire des sanctuaires, ramasser des armes, nettoyer des camps de monstres, etc. Mais TotK est aussi beaucoup plus guidé et scénarisé : même s’il est techniquement toujours possible d’aller affronter Ganon en slip à la sortie du prologue si on sait où aller, il faudra plutôt faire toute une série de quêtes principales pour y accéder « normalement », ainsi qu’un bon nombre de quêtes secondaires, et des missions « tertiaires » à gogo. Les nouveaux sanctuaires, encore plus nombreux, ont la même structure que ceux de BotW, mais utilisent bien sûr les nouveaux outils : une énigme à résoudre, sous la forme « version simple/version complexe », souvent avec plusieurs manières de la résoudre ; malheureusement ces énigmes paraissent aussi beaucoup moins bien ficelées, et une poignée de méthodes permettent de résoudre bien trop de problèmes, ce qui est peut-être lié au déséquilibre entre les pouvoirs. Les temples de cet épisodes sont du même acabit que les créatures divines du précédent, peut-être un peu plus « traditionnels » et un poil plus longs, mais pas beaucoup plus intéressants.

Ceux qui trouvaient le monde de BotW vide seront peut-être contents d’apprendre que celui de TotK est presque aussi rempli d’activités que n’importe quel open world moderne, pour le meilleur et pour le pire : des objectifs d’exploration du monde et du souterrain, des photos spécifiques à prendre, des quêtes de combat, des matériaux à trouver, des micro-puzzles à résoudre, des événements divers… et toujours des korugus partout. On peut se promener au hasard et faire plein d’activités sans avoir de sentiment de répétitivité, mais si vous trouviez les récompenses de BotW trop peu intéressantes, vous ne serez toujours pas satisfaits : on continue de trouver une pierre précieuse quelconque ou une arme bateau dans les coffres au fin fond des grottes, les tenues spéciales ne permettent pas vraiment de faire des « builds » différents et sont très difficiles à améliorer, et les armes cassent toujours, même les rares et les uniques. J’ai apprécié que certaines quêtes ne soient pas indiquées par un point sur la carte : un PNJ pourra mentionner juste un nom où un lieu, et il faudra chercher soi-même. J’ai apprécié aussi que les quêtes secondaires soient plus portées sur la reconstruction du monde que dans BotW : cela donne un ton bien plus positif au jeu, porteur d’espoir et tourné vers le futur.

Côté scénario, c’est largement au-dessus de la moyenne de la série, sans être non plus exceptionnel : il faudra encore sauver la princesse, mais cette fois-ci on doit d’abord la trouver, bien qu’on comprenne très vite ce qui se passe si on fait certaines quêtes secondaires. Le jeu est beaucoup plus guidé par l’histoire que BotW, sans être tenu par la main non plus, mais on aura quand-même quelques passages avec des cinématiques un peu trop longues à mon goût ; cela dit, une grande partie de l’histoire n’est trouvable que dans les quêtes secondaires, il faudra donc fouiller un peu pour en voir les moments les plus intéressants. Je regrette surtout le manque de soin apporté aux personnages secondaires : beaucoup reviennent du précédent épisode sans introduction (j’espère que vous avez une bonne mémoire), et les séquences autour du roi Rauru donnent l’impression qu’il est entouré d’une poignée de personnes au lieu d’être souverain d’un royaume puissant ; on sent que Nintendo n’a pas l’habitude de raconter des histoires complexes. Les artefacts technologiques sont également relativement mal intégrés : ils arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe, l’explication de leur présence est balayée d’un revers de la main, et leur aspect légèrement « science fiction » ne colle jamais très bien avec le reste de l’univers, malgré leur omniprésence.

Sans surprise, le level design de TotK est similaire à celui de BotW : des chemins balisés sans en avoir l’air, des points d’intérêt bien visibles au loin mais qui nécessitent de faire des détours qui font tomber sur d’autres points d’intérêt, etc. Malgré tout, la carte a un certain nombre de changements majeurs : de nouvelles ruines, de nouveaux villages, ou même le climat d’une région qui a changé, et surtout une densité d’activités bien plus importante. La grande nouveauté de la carte, bien présente dans les trailers, c’est la présence d’îles flottantes dans le ciel : celle du prélude, assez grande, donne de bons espoirs d’avoir une grande nouvelle zone à explorer… assez vite douchée lorsque l’on comprend que toutes les autres sont minuscules, avec parfois un ennemi puissant, un puzzle ou un collectible, mais leur intérêt est finalement assez réduit : un beau potentiel trop peu utilisé.

L’autre grande nouveauté de la carte, non présentée dans les trailers (spoiler alert), c’est le souterrain. Aussi grand que la surface, il y fait complètement noir tant que l’on n’a pas activé des racines lumineuses géantes, et les ennemis qu’on y trouve sont « corrompus » : les coeurs qu’ils nous retirent ne peuvent être récupérés qu’avec des recettes spéciales utilisant des plantes qu’on ne trouve que sur les îles célestes (notez la synergie), ou en ressortant à la surface quelques instants. Assez décrié pour son manque d’intérêt, c’est vrai que c’est encore plus vide que le monde de BotW : en-dehors des quêtes qui nous demandent d’y aller, on n’y trouve que quelques tenues, et des défis de combat ici et là. Cela dit, en tant qu’amateur d’exploration, j’ai plutôt aimé m’y balader : on y progresse doucement, on doit planifier son avancée, réfléchir, observer, contourner, chercher, ce qui donne une ambiance totalement différente, beaucoup plus oppressante. Cela fait un contrepoint intéressant par rapport à la surface, où l’on progresse souvent avec aisance en utilisant la paravoile, ainsi qu’aux îles célestes, qui demandent plutôt de construire des véhicules aériens ; même les combats demandent une approche différente, puisque « ne pas se faire toucher » devient primordial, alors que l’on peut se contenter d’engloutir des plats de soin à la surface.

Les quelques temples suivent le design des temples « traditionnels », avec des mécaniques à explorer tout au long du donjon, et des créatures divines de BotW, dans le sens où ils ne servent qu’à récupérer un pouvoir de combat optionnel, et faciliter le combat de fin. Ils sont tous basés sur la même structure, avec une phase d’approche où l’on apprend la mécanique principale avant le temple proprement dit, qui consiste en une poignée de trucs à activer pour atteindre le boss ; ces derniers sont souvent nuls, des gros sacs à PV extrêmement pénibles avec un verrouillage qui ne marche pas toujours, la caméra qui fait ce qu’elle veut, des attaques extrêmement puissantes qui ne donnent pas droit à l’erreur, et sur lesquels on utilise 50 armes, arcs et plats de soin (ce qui a le bonus de nous faire passer la moitié du combat dans l’inventaire), ainsi que tout notre stock de flèches, y compris quand on connaît la bonne technique : je les ai quasiment tous détesté. Et cerise sur le gâteau, les pouvoirs obtenus sont souvent nullissimes : à l’exception de celui du piaf, indispensable, ils sont infernaux à utiliser, et n’ont que trop peu d’impact : vous l’aurez compris, les temples ne sont pas franchement une grande réussite dans l’ensemble.

Les nouveaux pouvoirs « principaux » n’ont pas reçu le même soin que ceux de BotW : alors que les bombes, l’aimant, l’arrêt du temps et le gel avaient chacun leur propre utilité durant les combats, l’exploration et les puzzles, les pouvoirs de TotK ne sont pas tous égaux, loin de là.

L’amalgame, qui permet de fusionner deux objets de son inventaire, permet de largement mitiger une critique majeure récurrente de BotW, les fameuses armes qui cassent, de retour sur cet épisode. Ce pouvoir permet de créer des armes assez puissantes à partir de pas grand-chose, ainsi que de prolonger leur durée de vie, ce qui les rééquilibre en grande partie : non seulement on hésite moins à utiliser ses armes puissantes, puisqu’on peut en créer de nouvelles avec une arme courante et une corne de monstre commun, mais en plus elles ne se cassent plus après 5 coups. Moins « évident », l’amalgame permet également d’attacher des objets à ses flèches : un objet de feu pour enflammer un ennemi, un œil pour que la flèche soit à tête chercheuse, etc. Enfin, on peut également attacher des choses à son bouclier : un objet explosif ou fumigène pour punir les ennemis qui nous attaquent, mais aussi un lance-flamme pour que le bouclier soit offensif, ou une fusée pour s’envoler. Dans l’ensemble c’est un pouvoir plutôt utile, mais son usage est assez limité : on va avoir tendance à plutôt l’utiliser lorsqu’on a un temps mort, pour se construire quelques armes en prévision des combats à venir, ou bien pour décocher des flèches spéciales contre les ennemis puissants ; on peut également se servir de la fusée pour explorer ou résoudre plus facilement quelques sanctuaires, mais c’est anecdotique.

L’infiltration est un autre pouvoir extrêmement utile, mais à l’usage encore plus limité : il permet de passer à travers un plafond et de ressortir de l’autre côté. Indispensable lorsque l’on explore les grottes, il permet de découvrir quelques secrets, de résoudre quelques sanctuaires… et c’est tout. Son utilité dans les combats est strictement égale à zéro, et il sert plus de « raccourci » durant l’exploration : c’est à la fois indispensable et très décevant.

La rétrospective permet de faire remonter le temps à certains objets, et c’est clairement le pouvoir le moins utile, limité à des usages extrêmement ponctuels : on peut renvoyer un objet qu’un ennemi nous lance, grimper sur un morceau d’île céleste pour remonter dans le ciel… et c’est à peu près tout, en-dehors de quelques sanctuaires qui se basent dessus. Oh, certaines personnes arrivent à créer des situations qui leur permettent d’éliminer plein d’ennemis facilement, mais cela demande à mon goût beaucoup trop de travail par rapport au résultat.

Enfin, l’emprise permet de fusionner deux objets entre eux. C’est le pouvoir le plus mis en avant, et celui avec le plus de potentiel : vous aurez certainement vu ces vidéos de joueurs ayant créé des mechas énormes qui nettoient des camps ennemis tous seuls, ou d’autres constructions incroyables, avec un choix de pièces très nombreuses et variées. En pratique, c’est rigolo, mais ce n’est pas la panacée, avec un système pas toujours pratique de rotation et de points d’accroche pour construire une machine souvent bancale, à coup d’essais et d’erreurs : il n’est pas rare de passer 15mn à fabriquer un superbe bateau qui va couler dès sa mise à l’eau, ou de vouloir détacher une pièce mal mise et de tout détruire. Heureusement, lorsque construire quelque chose est nécessaire, il y a toujours ce qu’il faut juste à côté : une voiture à laquelle il manque juste une roue, ou bien un planeur qui n’attend que le propulseur posé juste à côté comme par hasard ; le reste du temps, c’est amusant ou pratique, mais jamais indispensable. Encore une fois, ce pouvoir est difficilement utilisable lors des combats, mais il est très utile lors de l’exploration… tout en étant très facultatif la plupart du temps.


Je parle beaucoup des défauts, mais le jeu a aussi énormément de qualités : en fait, il a toutes celles de BotW, mais aussi la plupart de ses défauts ; ce n’est probablement pas l’épisode qui vous réconciliera avec la formule. J’ai beaucoup aimé me balader dans le monde, redécouvrir les endroits qui ont changé, résoudre certaines énigmes intéressantes, explorer les souterrains à tâton ; j’ai beaucoup aimé, mais j’étais très loin de la claque que m’avais mis BotW : c’est « juste » un très bon jeu, pas un exceptionnel.


Techniquement, TotK est aussi joli que son prédécesseur malgré les habituelles limitations de la machine, et le doublage intégral en français est de bonne qualité. Le jeu est plein de détails qui rendent le monde vivant, comme les PNJ qui courent se mettent à l’abri lorsqu’il pleut (peut-être que c’était déjà là ?), ou les dialogues qui changent en fonction de l’heure, de la météo, et des quêtes déjà résolues. En revanche, je trouve inadmissible en 2023 qu’il soit impossible de modifier les contrôles : j’ai passé des heures à utiliser le mauvais bouton pour la frappe, j’aurais aimé pouvoir l’échanger avec un autre ; et question accessibilité c’est un zéro pointé, mais on est malheureusement habitués chez Nintendo.

Tears of the Kingdom est encore plus démesuré que BOTW aussi bien en contenu qu’en possibilités, mais aussi un peu moins bien équilibré. Un très bon jeu, mais il n’atteint pas les sensations de BOTW, et n’en corrige pas tous les défauts.

Verdict : très bon