Shadowverse: Champion’s Battle

Shadowverse est, à l’origine, un jeu de cartes typé Hearthstone free to play, sorti sur mobile en 2016, qui a toujours des mises à jour en 2023. Cette version s’adresse sans doute plutôt à ceux qui n’avaient jamais entendu parler du jeu : elle le simplifie en réduisant le nombre de cartes, et surtout ajoute un enrobage JRPG dans un mode solo pour attirer les joueurs qui préfèrent les expériences solo.

Gameplay

L’aspect RPG/aventure est indigne même d’un jeu Pokémon : un gamin de la campagne qui arrive dans une grande école de la ville, dans laquelle absolument tout le monde est ultra fan de Shadowverse, un jeu de cartes à l’intérieur du jeu, au point que l’école est remplie de bornes de vente de cartes. C’est bourré de clichés d’anime bidons, comme les personnages qui font des poses dramatiques pour lancer un match, les coupes de cheveux improbables, les personnalités clichés, etc. L’histoire n’est pas intéressante pour un sou, elle se cantonne à « affronter tout le monde pour être le meilleur dresseur de pokémon joueur de Shadowverse », et semble plutôt servir d’excuse pour motiver à jouer au-delà de « faire des matchs », et justifier la courbe de difficulté. On ne fait pas grand-chose à part se balader dans l’école puis dans les rues, parler à des gens pour les affronter, et acheter de nouveaux boosters avec l’argent gagné afin de personnaliser ses decks ; on ne peut même pas modifier son apparence, tout le monde a le même uniforme, ça fait assez cheap.

Côté jeu de cartes, c’est une grosse repompe de Hearthstone à tous les niveaux. J’imagine que les spécialistes sauront me lister des tas de différences, mais pour moi, ancien joueur de Magic The Gathering qui connaît vaguement Heartstone, c’est kif-kif : du tour par tour sans interruption (pas de sort pendant le tour de l’adversaire), du mana qui revient automatiquement, des dégâts permanents sur les cartes, et un jeu basé en large majorité sur les créatures et les sorts. C’est donc beaucoup plus accessible que Magic, mais c’est aussi beaucoup moins riche, malgré la tentative de se démarquer : il y a beaucoup de factions (7), mais les styles et les archétypes ne sont pas toujours très marqués. La mécanique la plus originale, c’est que l’on peut transformer ses cartes sous certaines conditions, pour en faire des versions plus puissantes, avec un usage très limité ; mais l’impact est souvent trop faible pour que ce soit vraiment renversant.

Chaque faction de Shadowverse a une mécanique « fixe » (overflow, vengeance, etc) qui pousse vers un style de deck : on ne peut pas forcément avoir n’importe quel style avec n’importe quelle faction, et il est difficile de faire un dragoncraft aggro par exemple, ou alors il sera bancal. C’est un peu pareil sur Magic (difficile de faire un deck bleu aggro) mais ici on ne peut pas mélanger les factions, et les mécaniques ne me semblent pas du tout égales en puissance : certaines sont franchement nulles (forestcraft) ou bien très dépendantes de la pioche (runecraft ou swordcraft). Mais le plus gros problème est que le card advantage est broken : on n’a pas assez de cartes en main pour pouvoir jouer à tous les tours, et dès qu’on est en mode top deck (ce qui arrive assez vite), celui qui arrive à piocher plus de cartes gagne. Par conséquent, il est très pénalisant de commencer en premier, et globalement le jeu est hyper bancal à ce niveau.

La difficulté est également mal équilibrée : le premier « boss » est un champion, que l’on doit affronter après quelques heures de jeu à peine, alors que l’on n’a encore que des decks de base… On se fait bien évidemment rapidement éclater, et il faudra refaire encore et encore le match jusqu’à trouver le deck adapté. En fonction de leur composition, les decks ont des « rangs », mais les différences de puissance sont bien trop marquées : impossible de battre un deck A avec un deck C, en partie parce que les rares sont généralement beaucoup plus puissantes que les communes. Si on rajoute que les matchups sont également très biaisés, on réalise vite que l’on va devoir très souvent refaire les matchs jusqu’à trouver le bon deck face à un adversaire particulier… et rebelote à celui d’après. Le début du jeu ne nous prépare d’ailleurs pas du tout correctement : on roule sur tout le monde sans avoir eu besoin de modifier son deck de base, les adversaires de rang C commencent à 15pv au lieu de 20 alors que nous on reste à 20… ça donne une mauvaise idée du rythme des parties, et ça donne de mauvaises habitudes.

Dans l’ensemble, je n’ai pas vraiment apprécié le gameplay du jeu de cartes : un peu trop basique une fois en jeu, trop dépendant de la pioche, mal équilibré entre les factions, et avec des archétypes à la fois pas assez marqués en terme de manière de jouer, et trop différents en terme de puissance. Si vous voulez un bon jeu de cartes sur Switch, préférez Eternal, bien plus complexe (voire un peu trop).

Personnalisation des decks

Shadowverse Champion’s Battle ne comporte que 3 extensions, et aucun ajout ultérieur n’a été effectué, alors que ça se prêtait particulièrement bien à une volée de DLC, tandis que le jeu original sur mobile en a des dizaines (27 au moment où j’écris). Je comprends qu’ils ne veuillent pas cannibaliser leur free to play, mais un peu plus de richesse n’aurait pas fait de mal au jeu.

Les cartes se gagnent de deux manières : lorsque l’on remporte un duel, ou en ouvrant des boosters. Dans les deux cas malheureusement, la récompense est aléatoire : si une carte spécifique vous intéresse, il faudra affronter un PNJ spécifique en boucle jusqu’à réussir à l’obtenir. Mais c’est toujours moins frustrant que les boosters, qui n’ont aucune garantie de rareté : il est possible d’en ouvrir qui soient composés uniquement de communes, ou bien d’avoir plusieurs légendaires, mais vous vous doutez bien que le premier cas est beaucoup plus fréquent que le second. Les decks se modifient ensuite de deux manières : la première, en utilisant une decklist préconstruite que l’on obtient en gagnant contre les PNJ, et que l’on pourra utiliser une fois toutes les cartes acquises. La seconde, c’est tout simplement de modifier son deck au feeling, voire d’en construire un de zéro.

Tous les jeux similaire, comme Hearthstone, Magic Arena ou Eternal, possèdent un système de « craft » qui permet de convertir le trop-plein de cartes en double en cartes spécifiques à « fabriquer ». Pas de ça ici, la seule manière est de gagner des combats ou d’ouvrir des boosters, avec ce côté aléatoire systématique. Obtenir des bonnes cartes est donc très, très long et demande beaucoup, beaucoup de grind ; c’est l’aspect qui m’a le plus rebuté, et qui m’aura fait abandonner le jeu après quelques dizaines d’heures, à cause du côté aléatoire des récompenses, qui mène à un sentiment insistant de faire du sur-place. Il aurait vraiment fallu rééquilibrer cet aspect, car dans un free to play mobile c’est normal et attendu, mais dans un jeu solo avec une progression, c’est assez insupportable.

Technique

Techniquement le jeu ne fait pas rêver : c’est du JRPG « AA » basique, avec très peu d’environnements, des PNJ copié/collés et génériques, des murs invisibles partout, beaucoup de popping, et des musiques insipides. Les cartes sont à l’avenant : toutes les illustrations sont du même style « manga fantasy » générique, avec beaucoup de filles en tenues suggestives et des créatures qui ont l’air toutes plus énervés les unes que les autres. Il n’y a aucune différence visuelle entre les factions, ni beaucoup de cohérence de manière générale : c’est un gloubiboulga d’illustrations qui ont l’air produites à la chaîne en grande quantité, voire même piochées sur DeviantArt.

Shadowverse Champion’s Battle n’est pas vraiment un mauvais jeu, mais avec sa partie RPG très basique, son jeu de cartes un peu limité et déséquilibré, et sa construction de deck qui demande énormément de grind, je n’accroche vraiment pas.

Verdict : moyen