La compilation Sega Mega Drive Classics est une compilation de jeux bien connus, déjà sortie environ 10 000 fois sur tous les supports, qui propose toujours les mêmes jeux depuis 20 ans.
Mais que vaut l’émulation, et que valent les jeux, sont deux questions qui, à mon sens, sont bien distinctes.
L’émulation et l’enrobage
L’originalité de cette compilation, c’est qu’elle ne se contente pas d’afficher un bête menu de sélection. Le menu principal affiche une chambre d’adolescent des années 90, avec des posters Sega aux murs, une télé posée sur un meuble avec la Mega Drive en-dessous, et un skateboard dans un coin. Chaque élément du décor permet de faire quelque chose : la console permet de régler l’émulation, la chaîne hifi permet de régler le volume, etc. C’est sympathique, même si ce n’est pas toujours extrêmement pratique, ça reste très utilisable. Cette interface a quelques détails sympathiques : par exemple, la fenêtre plus ou moins ensoleillée en fonction de l’heure (réelle), la cartouche de jeu qui s’insère dans la console lorsqu’on en lance un, etc. Il est possible de mettre certains jeux en « favori », mais il n’est malheureusement pas possible de masquer ceux que l’on n’aime pas. Dommage, encore une fois. A noter que sur Switch, la qualité graphique de l’environnement a pris un sérieux downgrade à tous les niveaux (textures, modèles, détails…), ce qui est assez surprenant, au vu du peu affiché. Ca ressemble à un portage fait à la va-vite.
Il y a cependant un certain manquement par rapport à d’autres compilations récentes : il n’y a aucune partie « musée ». Les manuels originaux (parfois indispensables à l’époque) ne sont pas scannés, les jeux sont présentés sans contexte historique, on n’a aucun accès aux publicités de l’époque, aux jaquettes des boîtes, aux flyers, ou quoi que ce soit. C’est vraiment dommage, particulièrement au vu de l’orientation récente de ce genre de compilation ; cf la SNK 40th Anniversary Collection.
Les possibilités de réglages de l’émulation sont minimales : lissage des sprites, affichage de scanlines (qui sont assez mal faites), courbure de l’écran (qui crée du moiré avec les scanlines), affichage d’images sur les côtés de l’écran (qui sont toutes moches), et c’est à peu près tout. Pas de réglage de pixel ratio, pixel perfect ou quoi que ce soit. L’affichage en « plein écran » est assez raté car il ne permet pas de faire du pixel perfect, vous aurez forcément des effets graphiques indésirables.
Au niveau technique, l’émulation n’est pas terrible (sur Switch). Il y a un input lag énorme (délai entre l’appui sur une touche et l’action à l’écran). Ca se ressent énormément sur Sonic 1, mais moins sur le 2, par exemple. La différence est-elle bien réelle ou psychologique ? Difficile à dire. Je ne connais pas assez tous les jeux pour pouvoir dire lesquels souffrent le plus de ce lag. C’est gênant sur les jeux d’action rapides, mais ça n’impacte pas vraiment les jeux plus lents, comme les RPG.
Cette compilation rajoute des améliorations classiques : rembobinage et accélération de l’émulation (avec un effet « VHS » très sympathique), pour compenser la difficulté souvent d’un autre âge, et save states, pour compenser le manque de sauvegarde de ces jeux. Les utiliser réduit drastiquement la durée de vie de la plupart des jeux, mais libre à vous de les ignorer. Certains jeux proposent des « défis », et certains ont des leaderboards en ligne, mais comme utiliser le rembobinage ne vous disqualifie pas des leaderboards, l’intérêt est très limité. Vous pouvez également faire du multijoueur en ligne ou localement, la Switch se prêtant particulièrement bien au jeu, avec les joycons séparables.
Enfin, la sélection de jeu a de sérieux manques. Cette compilation est ressortie sous diverses formes depuis de nombreuses années : Mega Drive Collection sur PS2, Mega Drive Ultimate Collection sur PS3/X360, et maintenant Mega Drive Classics sur PS4, XOne, PC et Switch. La liste des jeux de ces collections est toujours globalement la même, avec quelques jeux en plus ou en moins à chaque itération, mais elles ont toujours les mêmes problèmes : aucun jeu de course, presque aucun jeu de combat, et des classiques qui vont et viennent au gré des problèmes de licences (Ecco, Sonic 3, Monster World…). Il y a également beaucoup trop de jeux franchement assez mauvais, dont on se serait bien passé. Ce qui n’est pas un problème lorsque les jeux sont replacés dans leur contexte (c’est le premier jeu d’un développeur célèbre, c’est un jeu qui a inspiré un autre, etc), on dirait plutôt ici que c’est du remplissage facile avec ce qui traîne sous la main.La sélection de jeux
23 classiques
- Altered Beast : pas franchement un très bon jeu, c’était le jeu vendu en bundle avec la console pendant longtemps, et est donc resté dans toutes les compilations Megadrive depuis.
- Beyond Oasis : un Zelda-like dans un monde inspiré des 1001 nuits.
- Comix Zone : un beat’em up qui a la particularité de se dérouler dans des cases de BD.
- Golden Axe 1, 2, 3 : des classiques du beat’em up portés de l’arcade, jouables en coop.
- Gunstar Heroes : un run & gun par Treasure, le Contra de la Megadrive.
- Kid Chameleon : un platformer un peu étrange où le héros se transforme sans arrêt pour accéder à divers endroits.
- Landstalker : un Zelda-like isométrique ; le pad en croix de la Switch le rend difficilement contrôlable.
- Streets of Rage 1, 2, 3 : d’autres classiques du beat’em up, cette fois créés spécialement pour la console. Egalement jouables en coop.
- Phantasy Star 2, 3, 4 : des RPG complexes et interminables, créés pour concurrencer Dragon Quest, dans un mélange de SF et de fantasy.
- Shinobi 2, 3, Shadow Dancer : des platformer/action assez lents, avec des ninjas mous du genou, mais généralement excellents.
- Shining In The Darkness : un RPG dungeon crawler à la Ultima, un classique du genre.
- Shining Force 1, 2 : des jeux de tactique/RPG, dans la veine de Fire Emblem et Langrisser.
- Sonic 1, 2 : mais pas le 3, bizarrement.
8 bons jeux méconnus
- Alien Soldier : un autre run & gun par Treasure.
- Bio-Hazard Battle : un shmup avec des ennemis aliens ultra chelous. Des graphismes assez impressionnants pour de la Megadrive.
- Decap Attack : un platformer où l’on contrôle une momie, et où l’on affronte des loup garous et compagnie.
- Dr. Robotnik’s Mean Bean Machine : Puyo Puyo renommé et reskinné pour l’occident.
- Dynamite Headdy : encore un platformer par Treasure, avec un perso qui peut lancer sa tête comme Rayman lance ses poings, dans un univers un peu délirant.
- Light Crusader : encore un jeu Treasure, un hack & slash isométrique cette fois.
- Ristar : un platformer avec un système de déplacement assez spécial et original, où le perso s’agrippe au décor pour se propulser.
- ToeJam & Earl 1, 2 : des jeux délirants et indescriptibles, des roguelikes très typés années 90, et qui ont récemment eu une suite.
12 jeux assez moyens
- Alien Storm : Golden Axe avec des aliens, en beaucoup moins fun.
- Bonanza Bros : un jeu d’arcade d’infiltration/braquage. Moche, chiant en solo, un peu mieux en multi mais pas de beaucoup.
- Columns : un classique du puzzle game, mais sur Game Gear. C’est très basique, ça ne vaut pas Tetris. On s’en serait passé, surtout qu’il y a le 3.
- Columns III : infiniment plus complet que le 1, mais ça ne vaut toujours pas Tetris.
- Crack Down : un jeu d’action d’arcade vu de dessus avec le menu qui prend plus de place que le jeu. Pensé pour être joué à 2.
- ESWAT : un platformer inspiré par Rolling Thunder. Correct, sans plus.
- Flicky : un jeu d’arcade à tableaux, assez moche. Dans le style c’est pas mauvais, mais c’est pas ouf.
- Gain Ground : jeu arcade, mélange d’action et de stratégie. Certains accrochent, moi pas trop.
- Sonic 3D Blast : un Sonic isométrique. Techniquement c’est impressionnant pour l’époque, mais c’est totalement incontrôlable.
- Vectorman 1, 2 : des platformers avec un robot composé de boules vertes. Techniquement c’est pas mal du tout, c’est fluide et le 2 a d’impressionnants effets d’éclairage dynamique de sprites. Par contre c’est le bordel, et pas très original.
- Virtua Fighter 2 : pas très fluide, pas très complet avec seulement 8 personnages, mais on retrouve le gameplay de la version arcade.
6 franchement mauvais
- Alex Kidd in the Enchanted Castle : c’est très moche, c’est ultra dur, c’est pas fun.
- Fatal Labyrinth : un roguelike à l’ancienne, dans des donjons procéduraux, au tour par tour sur des cases. La musique est pénible, et le jeu est assez répétitif.
- Galaxy Force II : un shooter en vue de dos. C’est moche, ça rame, on ne comprend rien.
- Space Harrier II : un autre shooter vu de dos, portage de célèbre jeu d’arcade. Ca rame pas mal, et ce n’est pas très fun.
- Super Thunder Blade : encore un shoot vu de derrière, encore un jeu naze, qui rame, etc.
- Sonic Spinball : un flipper où Sonic est la bille. Ça rame de fou, ça part dans tous les sens, c’est injouable.
- Sword of Vermilion : un RPG, avec des déplacements en 1e personne sur la world map, et des combats vus de dessus en temps réel, soit l’inverse de ce qu’il faudrait.
Les gros manques
Par rapport aux compilations précédentes, les jeux Ecco, Sonic 3, Eternal Champions, Wonder Boy 3 et Monster World ont disparu. C’est assez énervant.
Les (excellents) jeux Disney (Aladdin, Quackshot, les jeux Mickey…) manquent à l’appel, mais ça n’est pas très étonnant. On espère juste que Disney sortira sa propre compilation un jour, ils le méritent.
Il n’y a aucun jeu de course : Out Run ou Super Hang On ont des versions Megadrive très correctes, et appartiennent à Sega. Incompréhensible.
Il n’y a aucun jeu de sport. On peut comprendre que des licences de FIFA ou NBA soient impossibles à renégocier, mais il y avait moult jeux de sport sans licence à l’époque, que ce soient Speedball 2, Mutant Football League, ou des sports plus classiques mais génériques comme Kick Off.
Il n’y a quasiment aucun jeu de baston, alors que la Megadrive avait d’excellentes version de Street Fighter 2, et que Capcom n’a aucun souci pour licencier ses jeux dans des compilations tierces.
Ca manque un peu de shoot’em up, avec la suppression de Thunder Force 3 et Thunder Force 4 par rapport aux compilations passées, même s’ils sont arrivés en versions « stand alone » depuis. On peut également déplorer l’absence de After Burner, Super Fantasy Zone, etc.
Il manque également quelques jeux tiers iconiques : Flashback (mais au vu du « remaster » actuellement disponible sur Switch, ce n’est pas très étonnant), Earthworm Jim, Strider, Desert Strike, Soleil…
Sega Mega Drive Classics est une compilation qui est loin d’être complète et avec de sérieux problèmes, mais qui pourra quand-même plaire aux nostalgiques de l’époque, pour peu qu’ils ne soient pas trop regardants sur la qualité de l’émulation. La version Switch permettra d’y jouer en mode portable, c’est déjà ça.