Pokémon Épée/Bouclier est le premier épisode principal de la série à sortir sur console de salon… enfin, hybride.
C’est aussi un des épisodes les plus controversés, principalement en raison de sa prétendue facilité, et de la réduction de son pokédex.
Au niveau de la difficulté, il est vrai que cet épisode penche, peut-être encore plus que d’habitude, sur le côté « jeu pour enfant », même si c’est ce que la série a toujours cherché à être, quoi que puissent en dire certains fans vocaux nettement plus âgés. Ce qui ne leur plaît pas, c’est que les enfants ne sont plus les mêmes aujourd’hui qu’il y a 20 ans, leurs attentes ont changé, et la série évolue avec eux : être perdu ou grinder n’amuse plus que les vieux, alors que les jeunes seront ravis des options de personnalisation disponibles (vêtements, coiffures, etc), par exemple.
Tout est ainsi « dégraissé » pour faciliter la vie des joueurs et réduire le grind inutile : tous les pokémons de l’équipe gagnent de l’expérience même sans combattre, les pokémons sauvages sont visibles sur la carte pour ne pas avoir à tourner sans fin dans les hautes herbes, le voyage rapide est disponible très rapidement, les affinités de type sont affichées directement en combat pour pouvoir se passer d’un wiki, l’objectif du moment est affiché en permanence dans le menu et sur la carte… La liste est longue, et les personnes comme moi qui ont découvert la série à ses débuts, et joué à assez peu d’épisodes depuis, seront ravis de ne plus avoir besoin de faire des milliers d’allers-retours pour faire gagner quelques niveaux à ses bestioles fraîchement capturées.
Au niveau du challenge, Pokémon Épée/Bouclier est globalement plutôt équilibré pour les joueurs qui veulent juste terminer le jeu : la première moitié est clairement calibrée pour que l’on roule sur les ennemis sans trop sourciller, et sans même grinder, on arrive assez facilement à avoir 5 à 10 niveaux de plus que les champions des premières arènes, le rival prend le starter faible contre nous, on trouve des tonnes d’objets qui se revendent des fortunes… Mais en arrivant sur la seconde moitié du jeu, le challenge se relève, on commence à rencontrer des pokémons sauvages de niveau supérieur aux nôtres, les champions d’arène utilisent des pokémons costauds avec des combinaisons de type complexes et des attaques « inversées », comme des attaques plantes sur un pokémon feu pour vous éliminer votre pokémon sol que vous pensiez en sécurité… La fin du jeu demande de vraiment rester sur ses gardes, de bien réfléchir et de s’adapter à la volée, et de faire attention à ce que son équipe soit équilibrée et complexe… à condition de ne pas grinder : arriver à la fin avec des pokémons 10 niveaux supérieurs à ceux du maître de la ligue n’est pas vraiment passionnant.
La nouvelle mécanique « dynamax » de cet épisode n’apporte franchement pas grand-chose : une fois par combat, uniquement dans les arènes (et à quelques moments de l’histoire), on peut rendre un de ses pokémons gigantesque, et donc surpuissant, pendant 3 tours. Techniquement, en solo, dans la totalité des combats où c’est possible, l’adversaire dynamaxe son dernier pokémon lors de son arrivée, il suffit donc de faire la même chose. C’est une mécanique bien plus intéressante dans les « raids » contre des pokémons sauvages, extrêmement forts, et qui nécessitent souvent une vraie stratégie et une équipe (multijoueur) solide.
La majorité du monde de Pokémon Épée/Bouclier est construit de la même manière que les épisodes précédents : une succession de routes de 5m de large, avec très peu d’embranchements, sur lesquelles il est impossible de se perdre, et parsemées d’adversaires de faible niveau et de pokémons à capturer. La nouveauté la plus intéressante de cet épisode, c’est la « zone sauvage », introduite assez tôt dans le jeu : une vaste étendue que l’on peut parcourir librement, avec plusieurs biomes, de la météo variable, et des pokémons de niveaux parfois beaucoup plus élevés que les vôtres : il est possible d’y croiser un pokémon de niveau 50 avec votre starter niveau 6 (et bon courage).
Paradoxalement, cette « zone sauvage » semble toute petite si on regarde la carte, mais en réalité le reste du jeu pourrait tenir dedans, et on met plusieurs minutes à la traverser de bout en bout, même après avoir récupéré et amélioré le vélo. On regrette vraiment que tout le jeu ne se déroule pas dans un tel monde ouvert, mais cela semble aller dans la même direction que le reste du jeu : ne pas dérouter les débutants, et tout faire pour qu’ils ne se perdent pas. J’espère vraiment un futur épisode totalement ouvert, mais je pense que je peux toujours rêver.
Concernant le pokédex, évacuons immédiatement la seconde grosse controverse de cet épisode : il n’est pas possible d’importer la totalité des anciens pokémons depuis les précédents épisodes, ce qui n’impacte donc que les fans qui ont des pokémons à importer depuis les anciens épisodes. Personnellement, je n’en ai cure, et ça ne changera strictement rien pour la très grande majorité des joueurs.
Concernant le contenu du pokédex, il faut bien avouer que beaucoup des nouveaux pokémons n’ont pas des designs très originaux : un écureuil, un renard, une coccinelle, une mésange, un mouton, une tortue, un chien… Ils sont de plus énormément copiés sur des pokémons existants, notamment des premières générations. Ce ne serait pas très gênant… si ces pokémons qu’ils copient n’étaient pas aussi présents ! On peut y ajouter que le choix parmi les anciens pokémons comporte aussi énormément de doublons de types ou de thèmes, et une exacerbation du problème par la présence côte à côte des pokémons doublons, et on se demande bien ce qui est passé par la tête des développeurs. Un examen plus attentif du pokédex montre que ce n’est pas la réalité, mais c’est le sentiment qui revient régulièrement.
On notera cependant un point positif, pour qui comme moi est surtout habitué aux vieilles générations de la série : les pokémon couramment rencontrés utilisent beaucoup de types « modernes » comme acier, fée, ténèbres, ou glace, et ont également souvent des combinaisons de types qui créent des interactions complexes d’affinité, ce qui oblige à rester vigilant en permanence. On a tout le temps envie de tester de nouvelles bestioles avec des combinaisons de types qui nous intriguent, et grâce au grind réduit, il est assez aisé de changer totalement son équipe au milieu du jeu.
Petite parenthèse, il y a un curieux sous-thème « nourriture », avec beaucoup de pokémons ressemblant à des pommes, du sucre, des barbes à papa, des glaces, des cerises, des gâteaux, et j’en passe. Avec le mini-jeu de cuisine, qui sert à restaurer la vie de notre équipe, ça donne souvent faim.
La région visitée dans Pokémon Épée/Bouclier est inspirée du Royaume-Uni, et chose intéressante, ils ont énormément insisté sur l’aspect « sportif » des combats de pokémons. Les arènes sont des stades avec une vaste foule qui acclame les combattants, il y a un championnat national, des supporters, des fans qui nous félicitent quand on bat un champion d’arène… Tout cela donne une véritable cohérence au monde, et l’ambiance est vraiment très réussie.
Au niveau de l’histoire, c’est assez gentillet, peut-être même encore plus que d’habitude. Les « méchants » sont juste un peu bêtes et relous, les dialogues ne sont pas passionnants et sont parfois interminables pour ne rien dire, et le véritable méchant de l’histoire est introduit puis éliminé en l’espace d’une heure ou deux. On notera tout de même un peu d’humour et de double lecture dans les dialogues, quelques bonnes cinématiques, et une véritable volonté de mise en scène de l’histoire.
Graphiquement, Pokémon Épée/Bouclier n’est pas moche même si un peu simple, et avec de l’aliasing et du popping, ce qui n’est pas très compréhensible vu ce qu’il y a à afficher, mais ne choque pas trop non plus. L’ambiance et la direction artistique sont très bonnes, certains endroits sont vraiment jolis, et la plupart des paysages agréables à regarder. Les chargements sont généralement très courts, c’est peut-être le point positif de ces graphismes simples.
Les musiques vont du très bon à l’oubliable ; en revanche, le thème principal qui utilise un fond de cornemuse a tendance à taper sur le système.
Le gros point noir technique, qui choque assez tôt dans l’aventure, c’est le manque de doublages… alors que les personnages sont animés comme si ça avait été prévu. C’est très bizarre au début, on finit par s’habituer à ces personnages qui ont la bouche qui bouge sans son qui en sort… jusqu’à un « concert » où on n’entend que le public et absolument pas le chanteur : énorme malaise. Espérons que ça s’améliore dans les prochains épisodes.
Je regrette aussi la nécessité d’avoir un abonnement Switch Online pour énormément de choses : échanges et combats, mais aussi les raids souvent impossibles à faire en solo. Le problème, c’est que ces raids sont le seul moyen d’obtenir des pokémons gigamax (une forme spéciale du dynamax), mais surtout, ils sont le moyen le plus simple d’obtenir des DT, des objets à usage unique qui remplacent certaines CT, et qui sont hors de prix, utilisant une « monnaie alternative » qui nécessite de grinder… ou de faire des raids. Les capacités les plus intéressantes nécessitent donc, en pratique, d’avoir l’abonnement online. C’est assez rageant, pour un joueur uniquement solo comme moi.
Niveau durée de vie, le jeu se termine en une quarantaine d’heures, en étant aux alentours de 50% du pokédex, et sans perdre de temps, mais sans aller à toute allure non plus.
Pokémon Epee/Bouclier est un très bon Pokémon, toujours autant ciblé sur les jeunes et débutants, mais il est aussi largement perfectible, notamment au niveau technique.