J’ai joué un bon nombre d’années à Magic The Gathering, que j’ai dû arrêter par manque d’occasions de jouer. J’ai bien essayé Hearthstone, mais je n’ai pas aimé la stratégie au pur tour par tour, et le système de mana qui augmente tout seul. J’avais trouvé mon bonheur avec Eternal, auquel j’ai joué quasiment un an de manière assez intense, avant d’arrêter par manque de temps ; c’est la récente disponibilité de Magic Arena sur mobile qui m’a donné envie de m’y relancer.
Ce test sera assez orienté vers les joueurs qui connaissent déjà un minimum les jeux de cartes à collectionner (JCC), et notamment Magic, car vous le verrez, c’est globalement une grosse repompe de ce dernier.
Créé par les développeurs du jeu de cartes Pokemon Online (ancienne version) et de Elder Scrolls Legends, les messieurs commencent à avoir de l’expérience dans le JCC et ont décidé de sortir leur propre version, dans leur propre univers. Ils ont d’ailleurs été aidés par de célèbres joueurs de Magic pour rendre le jeu le plus fun possible.
Le jeu est un free to play façon Hearthstone : on gagne des packs de cartes en jouant, et on peut recycler ses cartes pour en fabriquer d’autres. Il « suffit » donc de jouer beaucoup pour obtenir assez d’argent pour acheter des cartes, et évidemment on peut payer en vrai argent pour aller plus vite, mais avec assez de temps disponible, on peut aussi jouer de manière un peu compétitive sans jamais rien débourser.
Niveau design, ça fait très, très fortement penser à Hearthstone… ce qui n’est pas une mauvaise chose. Les esprits chafouins risqueraient même de dire que c’est une repompe totale : les avatars, le plateau de jeu avec les familiers, le positionnement des éléments du jeu… C’est un style désormais classique dans les jeux de carte (Magic Arena a repris le même design), mais lors de sa sortie, la copie était difficile à nier.
Niveau gameplay, en revanche, c’est très différent : c’est plutôt une repompe totale de Magic… ce qui n’est pas une mauvaise chose à mes yeux.
La différence majeure avec Hearthstone (et le premier point commun avec Magic), c’est qu’on pioche les manas (contrairement à HS où on les a automatiquement à chaque tour), ce que je trouve personnellement bien plus intéressant : même si ça permet les « mana screws » (piocher peu de mana, ou ne piocher que du mana, mitigé par un système de main de départ semi-aléatoire qui garantit de ne jamais avoir une main avec que des manas ni aucun), ça rend la construction de deck plus stratégique : est-ce que je met plein de petits sorts puissants et peu de mana, ou des gros sorts et beaucoup de mana ? Ca permet également d’autres types de decks (comme les « ramp » qui créent beaucoup de mana très vite pour sortir des grosses bêtes), et ça demande de réfléchir lors de la construction de decks multicolores, car il faut équilibrer les manas et les cartes, tandis que Hearthstone ne permet pas de faire du « multicolore ».
Et justement, puisqu’on en parle, il y a plusieurs couleurs de mana, avec des cartes multicolores ! Ce qui permet, comme à Magic, soit de se concentrer sur une couleur qui est un peu « spécialisée », soit de mélanger et faire des decks moins constants, mais plus polyvalents. Les couleurs sont, là encore, rempompées de Magic, même si elles sont un peu mélangées : le rouge est agressif, le noir ramène les créatures mortes, mais les autres couleurs sont un peu mélangées : le bleu a des contres et des créatures volantes mais aussi des dégâts directs, et le vert et le blanc sont inversés par rapport à Magic.
La dernière différence fondamentale par rapport à Hearthstone, c’est que, encore une fois comme dans Magic, il y a un concept de « sorts rapides » (l’équivalent des éphémères), des cartes qui permettent de réagir à ce qui se passe en face « en direct », et de faire des « tricks » pendant les combats ou pendant le tour de l’adversaire : booster ou tuer une créature, faire des dégâts, donner une capacité, et même annuler un sort adverse. Ca donne une grande dimension stratégique au jeu, mais surtout ça demande de jouer avec des informations inconnues : alors que l’on peut aussi bien faire une sieste durant le tour de l’adversaire dans HS car on ne peut rien faire, on doit ici réfléchir à ce qui peut être présent dans la main de l’adversaire en fonction des manas qu’il n’a pas utilisé.
Vous l’aurez compris, Eternal est une grosse repompe de Magic à beaucoup de niveaux. Mais qu’est-ce qui change, quel intérêt par rapport à Magic Arena par exemple ?
La principale différence, c’est que le jeu utilise très bien le fait que son support soit virtuel : on peut voler des cartes à l’adversaire pour le reste de la partie ; piocher certaines cartes en double (une copie se matérialise dans la main) ; générer des cartes en jeu qui réagissent ensuite comme de vraies cartes (elles vont au cimetière, peuvent remonter dans la main, etc) contrairement aux jetons de Magic ; modifier des cartes dans la main ou le deck, par exemple donner +1/+1 à une créature qui n’est pas en jeu ; conserver les modifications des cartes lorsqu’elles changent de zone (une créature boostée le reste si elle meurt et que vous la ressuscitez) ; etc. Il arrive aussi régulièrement que des cartes soient rééquilibrées et modifiées, au lieu d’être bannies comme c’est le cas dans les jeux « papier ».
L’impact en terme de gameplay, c’est que le jeu est bien dynamique, mais aussi un peu grosbill : les créatures conservant leurs modifications de puissance entre les zones, on se retrouve facilement avec plusieurs créatures 10/10 sur la table. En revanche, le jeu est assez bien équilibré, et les types de decks possibles sont nombreux : aggro, midrange, contrôle, combo, ramp, tribal, etc, tout se joue très différemment, et vous trouverez forcément un type de deck qui vous plaira.
Il y a quelques années, le jeu était assez bien équilibré en terme de puissance des cartes par rapport à leur rareté (les decks compétitifs n’étaient pas composés que de cartes rares récentes), mais cela a bien changé : le « power creep », cette tendance à augmenter la puissance des cartes au fil des extensions, est assez présent. Outre le fait que les cartes soient devenues très compliquées au fil des années et font tellement de choses qu’on a parfois beaucoup de mal à suivre ce qui se passe, mes vieux decks quasi-compétitifs d’il y a 4 ans se font atomiser par les decks plus récents, et je retrouve très peu de cartes des anciennes extensions dans les derniers decks ; même les communes sont plus puissantes et plus compliquées ! C’est très frustrant et décourageant quand on a « lâché » le jeu et que l’on veut s’y remettre.
Autre point fort, Eternal dispose d’un mode solo complet : une campagne scénarisée pour chaque extension, des « puzzles » avec des situations à résoudre, et un mode « défi » : un mode solo qui permet d’affronter des ennemis de plus en plus puissant, terminé par un boss qui triche en utilisant des règles spéciales, ce qui est parfois un peu pénible, voire carrément infâme selon le matchup, mais permet de gagner de l’or de manière illimitée.
La monétisation n’est pas très agressive, et le jeu est plutôt généreux : on gagne facilement de l’or pour drafter, des cartes et des packs. Avec un peu de temps, il est très facile de jouer sans payer, sans si l’on veut vraiment être compétitif : c’est là où l’on va devoir « fabriquer » les cartes manquantes des decks, celles que l’on n’arrive pas à obtenir en ouvrant des packs.
Eternal est un jeu que j’aime beaucoup, bien plus stratégique à mes yeux que Hearthstone, et bien plus adapté au format dématérialisé que Magic ; dommage que le power creep soit si présent.