Vous aurez peut-être entendu parler de Inertial Drift comme d’un « twin stick racer », le stick droit servant à pivoter la voiture et ajuster l’angle des drifts, et le stick gauche à ajuster la position sur la piste. C’est un mode de contrôle unique qui fonctionne extrêmement bien une fois franchi le cap de l’apprentissage, et on s’éclate à filer à toute allure sur les routes de montagnes, les pneus hurlants, en frôlant les murs pour chercher à grapiller quelques secondes. Mais je vais un peu vite en besogne.
La prise en main, donc, nécessite une période d’adaptation pendant laquelle vous allez jouer au flipper sur tous les murs du circuit, jusqu’à ce que vous compreniez qu’il faut vraiment commencer par le mode histoire avec la voiture la plus facile, qui est réellement très aisée à manier et permet de bien appréhender ces contrôles si particuliers. Après avoir terminé quelques épreuves, quand la confiance montera en vous, vous essayerez certainement une autre voiture « pour voir », et là, c’est le drame : vous devrez réapprendre à piloter à partir de zéro.
En effet, chacune des nombreuses voitures a un comportement propre et unique, avec les classiques poids, inertie, accélération, reprise et vitesse maximale, mais surtout, à chaque fois, des méthodes différentes pour drifter : pour la plus facile il suffit de tourner le stick droit sans réfléchir, pour d’autres il faut relâcher l’accélérateur, ou bien mettre un coup de frein, et d’autres encore demandent de jongler savamment entre frein et accélérateur… Et une fois partie en drift, il y a encore des différences : vivacité du pivot, facilité à maintenir ou changer l’angle, technique pour changer de côté, maintien de la vitesse selon l’angle, contrôle de la direction, etc. Certaines se ressemblent un peu, mais il y a une réelle courbe d’apprentissage propre à chaque véhicule, c’est d’ailleurs un des gros intérêts du jeu : apprendre un véhicule, le maîtriser, et puis tout recommencer avec le suivant, comme si le jeu n’était plus le même. C’est assez incroyable, et je dirais même encore plus marquant, riche et profond que les différents comportements de voitures qu’on peut observer dans les simulations « traditionnelles ».
Ces pilotages variés sont aidés par d’excellentes sensations, même si elles sont bien sûr totalement irréaliste : on ressent bien le poids et la puissance de la voiture, et on n’a vraiment pas l’impression de piloter une savonnette. Filer en dérapant à fond dans tous les sens est très gratifiant, surtout quand on commence à dompter un modèle : le simple plaisir de la conduite donne envie de faire tous les circuits avec toutes les voitures pour voir laquelle est la plus adaptée. Certaines voitures, notamment en classe A, sont vraiment très sensibles à la direction, et sont assez compliquées à maîtriser avec les joycons : si vous le pouvez, préférez jouer au pad pro ou au Hori Split Pad Pro, bien plus précis.
Inertial Drift est bourré de modes de jeux : une histoire scénarisée qui sert de tutoriel et permet de déverrouiller des voitures ; des défis, qui permettent d’appréhender les voitures débloquées et de les rendre disponibles pour le grand prix ; le grand prix, qui propose une sélection d’épreuves différentes en fonction de la voiture choisie ; et un mode arcade, qui est en réalité le mode « jeu libre » et permet de choisir un mode, une voiture et un circuit. Chaque épreuve peut être un time attack (battre un temps), une course (terminer premier au bout de 3 tours), un duel (ne pas laisser l’adversaire trop longtemps devant), un fantôme (en fait du time attack), du style (beaucoup drifter et raser les murs), ou une endurance (avec un temps limité pour franchir des portes). Ce nombre important de modes n’est que poudre aux yeux car en réalité, fondamentalement, c’est toujours du time attack : l’IA n’existe pas, et les adversaires ne sont que des fantômes pré-enregistrés. Comment ça marche sur les courses ? Eh bien c’est simple : on passe au travers des adversaires. C’est très bizarre au début, l’avantage étant qu’on ne râle pas sur l’IA qui nous envoie dans le décor (coucou Hotshot Racing), mais ça interroge sur la pertinence de tous ces modes, à part pour se sentir moins seul, même si ça correspond bien à l’orientation du titre : de la pure recherche d’amélioration du temps.
Le mode scénarisé raconte une histoire totalement inintéressante de jeunes qui font la course, mais permet de réellement entrer progressivement dans le jeu, avec des personnages qui se donnent des conseils de conduite et des véhicules radicalement différents, ce qui permet de bien prendre le jeu en main ; le mode est modérément long : 4 personnages de difficulté progressive, 5 circuits pour chacun avec 3 épreuves à chaque fois. Le point positif, c’est qu’il n’y a pas besoin de terminer premier pour avancer ou débloquer les véhicules, même s’il faut quand-même parfois battre des temps minimum, surtout dans les difficultés plus élevées. Le point négatif, c’est qu’on est obligé de faire tous les scénarios pour débloquer toutes les voitures.
Les circuits sont sans doute le plus gros point faible de Inertial Drift : 5 environnements, 2 circuits dans chaque, et… c’est tout. Il y a bien un mode reverse pour chacun, mais ça fait quand-même très léger, même si les décors sont bien distincts : un lac bordé de falaises et de villages ; un bord de mer avec ses plages et un phare que l’on voit de partout ; une ville avec de grands immeubles baignés dans les néons et des bretelles d’autoroutes menant dans des tunnels qui jaillissent en centre-ville ; une montagne pleine de passages étroits et d’épingles à cheveux ; et une forêt dans laquelle se cache un sanctuaire shinto. On se console en pensant à la nécessité de les apprendre par cœur pour faire de bons chronos car il n’y a pas de mini-carte, ou simplement en cherchant à faire des « tours parfaits » sans se manger un seul mur, ce qui n’est pas chose aisée sur certains tracés étroits, surtout lorsqu’ils durent 5 minutes. Les tracés sont d’ailleurs très bons : plus ou moins rapides, plus ou moins techniques, avec des passages parfois complexes qu’il faudra apprendre à anticiper pour les passer rapidement ; ils manquent cependant parfois de « point mémorable » dans les décors pour se repérer plus facilement.
Inertial Drift a un style visuel très fort qui ne laissera pas indifférent : tout est dans les nuances de violet, il y a beaucoup de néons, et un cell shading assez appuyé, c’est très « stylé », avec les démarrages qui pulsent, les drifts permanents, les pneus des concurrents qui laissent des « flammes » et les phares qui laissent des traces. Les voitures sont inspirées de modèles réels mais ne sont pas réalistes pour un sou, et ont un look exagéré, un peu compact comme des jouets, avec beaucoup de personnalité, et sont très distinctes visuellement les unes des autres : là aussi, c’est une vraie réussite. Techniquement en revanche, sur Switch en mode portable, c’est moins reluisant : c’est assez aliasé, et surtout, il y a des micro-ralentissements réguliers, au point que ça gêne parfois pour franchir certains passages difficiles.
Au niveau audio, le jeu implémente Dolby Atmos, ce qui permet d’avoir un positionnement très précis de toutes les sources sonores, d’entendre le son du vent contre les murs que l’on frôle, les différents surfaces sur lesquelles on roule, etc : je suis à peu près sûr que le jeu doit pouvoir se conduire à l’aveugle. En revanche, les sons des moteurs sont assez médiocres, tous similaires de type « moteur électrique » avec un feulement continu : il n’y a pas de rugissement ou de hurlement, pas de craquage, pas de décompression de turbo, juste un « viiiooonnnn » qui augmente de volume. La musique, quant à elle, est parfois très sympa, parfois très moyenne.
Dans les remarques diverses, je relève surtout la grande personnalisation des contrôles, mais aussi des sons : il est possible de régler finement chaque élément, que ce soient les crissements de pneus, les surfaces, les murs, le moteur, etc. En revanche, le manque de mini-carte se fait fortement ressentir tant qu’on ne connaît pas les circuits par cœur, d’autant plus que les indicateurs de virages ne sont pas très lisibles sur le petit écran de la Switch. Il manque également des indicateurs de temps intermédiaires : arriver au bout d’un tracé de 5mn pour se rendre compte qu’on est encore trop court de 5 secondes est très frustrant, et on ne peut pas savoir sur quelle section du circuit on peut gagner du temps. La difficulté est plutôt bien équilibrée malgré quelques pics surprenants, à l’exception des épreuves de style, tellement faciles qu’elles en deviennent ridicules. Enfin, une seule vue est disponible, c’est assez dommage de ne pas avoir de vue capot qui aurait pu donner encore plus de sensations, certes au prix de la jouabilité.
Le jeu possède un mode multijoueur en écran partagé, et un mode en ligne, mais je ne les ai pas essayé.
Inertial Drift est un jeu de course parfait pour ceux qui aiment les jeux originaux, le drift, et le time attack. La maniabilité unique et le style marqué pourraient en rebuter certains, mais une fois accroché, le jeu nous happe, et on se surprend à faire et refaire les circuits pour chercher à améliorer son temps, grimper sur les leaderboards, ou simplement profiter des excellentes sensations.