L’Evercade EXP est une portable d’émulation qui coûtait 150€ neuve ; plus produite, il existe une nouvelle révision (la EXP-R), légèrement moins chère (120€) mais sans sortie TV. Evercade produit également une portable au format « Game Boy » moins chère (la Super Pocket), une console à brancher sur TV (VS/VS-R) et une borne d’arcade (Alpha), qui utilisent toutes le système de cartouches.
Le matériel
Le format de la console est horizontal, elle fait environ 1cm de moins en largeur et en hauteur qu’une Switch Lite, mais fait quasiment le double d’épaisseur, et son poids est à peu près identique : l’ensemble donne l’impression qu’elle est grosse et lourde, car assez dense, ce qui n’est pas aidé par la prise en mains qui a tendance à me crisper après quelques minutes : il manque un peu de relief à l’arrière pour créer des poignées et améliorer la tenue. Les contrôles sont corrects : la croix typée « Megadrive » n’a pas un feeling incroyable mais semble précise et ne m’a pas pris en défaut, aussi bien dans les shooters que dans Street Fighter 2, et les boutons sont de bonne facture.
Beaucoup plus original, sur la tranche il y a un bouton « T » qui permet de passer en mode TATE (écran vertical) : c’est là que les boutons A/B que l’on voit sur le côté gauche de l’écran interviennent : on tient la console verticalement, et les jeux verticaux (par exemple les shooters arcade Toaplan) pivotent pour s’afficher sur une plus grande surface. Evercade vend d’ailleurs un grip pour le format TATE, qui ressemble à 2 cornes et dans lequel on glisse la machine : d’aspect un peu ridicule, il améliore réellement la prise en main, car tenir la console de cette manière n’est pas très équilibré, même si sa texture lisse n’est pas très agréable.
L’écran de 4.3″ a un format quasiment 16/9e, avec une résolution de 800×480, et une luminosité correcte mais un peu faible pour jouer en extérieur : le format large peut paraître étrange pour émuler des jeux rétro en 4:3, mais il y a aussi une poignée de jeux « natifs ». Les jeux en 4:3 s’affichent sur une diagonale de 9.3cm, ce qui donne une surface de 3.6″, équivalent aux Anbernic RG35XX ou Miyoo Mini+. La console possède une sortie casque, une prise mini HDMI pour affichage sur TV, et s’alimente par USB-C ; il y a également le wifi, mais il ne semble servir que pour les mises à jour. La batterie a une durée de vie entre 2 et 4h, ce qui est assez peu, d’autant plus que la charge est très longue et semble mettre autant de temps – j’ai parfois l’impression de passer plus de temps à charger qu’à jouer.
L’OS
Les menus sont simples d’accès : jeux inclus dans la console (j’en parle plus loin), jeux sur l’éventuelle cartouche insérée, collection, et options. Il existe également un système de petits « jeu du mois » gratuits modifiés à chaque mise à jour de la machine, ainsi que des « jeux cachés » que l’on peut débloquer avec diverses actions, comme des combinaisons de boutons dans les menus, ou des codes dans le menu approprié. Les mises à jour sont fréquente : il y en a environ une par mois, qui ajoutent parfois des fonctionnalités : la version 4.0, sortie en septembre 2024, a par exemple rajouté le tir turbo sur certains jeux, et celle de novembre a rajouté la sauvegarde des high scores sur certains jeux arcade… et la correction des tirs turbo qui ne marchaient pas toujours. Les cartouches elles-même peuvent d’ailleurs parfois se mettre à jour pour corriger des bugs.
L’émulation est de qualité correcte et utilise des émulateurs connus (cf https://evercade.co.uk/credits/), mais les jeux ne sont pas « optimisés », dans le sens où par exemple il y a le boot des machines arcade à chaque démarrage, qui n’est pas sauté par défaut comme le fait Hamster avec ses Arcade Archives, et les options sont spartiates : save states, mode d’affichage (original/pixel pefect/étiré) et scanlines, c’est tout. Il n’y a pas de possibilité de jouer en multijoueur en local, ce qui est vraiment dommage au vu des jeux Capcom installés, et du wifi qui ne sert à rien d’autre qu’aux mises à jour. Le menu des jeux donne également la possibilité d’activer un « mode compétitif » qui désactive les save states, et la possibilité de limiter le nombre de crédits dans une partie : on est à deux doigts d’avoir un mode « high score » comme sur la gamme Arcade Archives, dommage que ce ne soit pas implémenté. Chaque jeu possède aussi de petites statistiques : temps de jeu total, nombre de sessions, nombre de sauvegardes rapides et de chargements.
On pourra en revanche relever deux défauts assez gênants : la première, c’est qu’il n’y a pas de mise en veille possible, comme c’est le cas sur toutes les machines portables depuis 2004 : Nintendo DS et 3DS, Sony PSP et Vita, Switch, ainsi que toutes les machines d’émulation depuis des années. Un tel manque est incroyable pour une machine dont la première version est sortie en 2020, et réduit très fortement l’usage mobile de la machine : lors d’un changement de métro on est un peu en train de prier qu’un bouton ne va pas être appuyé par mégarde dans le sac et nous faire perdre notre progression… Moins grave mais tout aussi incompréhensible, il n’y a pas de réglages dans les jeux arcade, et notamment de sélection de difficulté : c’est très vexant au vu de la difficulté des jeux de l’époque, d’autant plus que la Super Pocket a un « mode facile » activable globalement, pas idéal mais déjà mieux que le « rien » de la EXP.
Les jeux
Ce modèle EXP possède 18 jeux Capcom préintégrés ; attention car la version EXP-R n’en a aucun, et se contente d’une cartouche fournie avec la console. Les jeux s’étalent entre 1984 et 2000, avec des classiques de l’arcade comme 1942, Commando, Ghouls N Ghosts, Final Fight, Strider, ou encore Street Fighter 2 Turbo, mais aussi deux jeux NES (Mega Man 1 et 2) et deux jeux SNES (Breath of Fire et Mega Man X). La variété est bien présente et la sélection globalement intéressante, avec des classiques et quelques titres moins connus comme Forgotten Worlds, Mercs ou Captain Commando, mais je regrette l’inclusion de Vulgus, qui est certes le premier jeu de Capcom mais vraiment mauvais, et du premier Mega Man qui fait un peu doublon avec le second ; la sélection aurait pu être quasi sans faute en changeant juste ces deux-là. Il est surtout frustrant de voir autant de jeux pensés pour le multijoueur alors que la console ne permet pas, à ma connaissance, de jouer ne serait-ce qu’à deux.
Evercade gagnant surtout de l’argent sur les cartouches, la console essaye de les vendre dès les menus : une entrée est dédiée à admirer sa collection, en listant les cartouches possédées, celles qu’on ne possède pas, celles qui sortent bientôt (mis à jour tous les mois), il y a un petit descriptif de la société et de chaque jeu (y compris ceux qu’on ne possède pas), on peut trier les cartouches par type (arcade, console ou ordinateur) et les jeux par genre, bref c’est vraiment bien fait, et tout est fait pour nous donner envie d’acheter toute la collection, de manière intelligente.
Ce concept de cartouches est d’ailleurs vraiment intéressant, et soyons honnêtes, posséder un artefact physique et légal est le seul intérêt de la machine ; vous trouverez mieux pour moins cher avec de nombreuses machines d’émulation. Mais pour les personnes qui accrochent au concept, Evercade fait les choses bien : des boîtes standardisées, un manuel dans chacune qui explique l’historique des jeux et du développeur, et parfois quelques infos sur le gameplay lorsque c’est intéressant. Les boîtes sont numérotées sur la tranche, ce qui poussera les collectionneurs à acheter aussi celles qui ne les intéressent pas pour ne pas avoir de « trou » ; méfiez-vous si vous êtes facilement influencé par ce genre de chose…
Chaque cartouche coûte 20€ (25 pour les plus grosses qui comportent plusieurs jeux Playstation) et comporte entre 2 et une douzaine de jeux voire plus, mais en général il y en a juste 5 ou 6. Divisées en plusieurs gammes (rouge pour les consoles, bleues pour les ordinateurs, violettes pour l’arcade), elles sont regroupées par éditeur ou développeur (ou en tout cas par ayant-droits) : il y a quelques classiques comme Atari, Namco, Data East ou Technos, mais la plupart sont composées de jeux de développeurs moins connus mais qui conservent parfois une certaine aura, comme Interplay, Gremlin ou Bitmap Brothers, et il y a de plus en plus de cartouches de petits jeux indépendants plus récents ; il n’y a en revanche pas de « gros » éditeur comme Nintendo ou Sega. Il en sort au moins une nouvelle par mois, souvent plusieurs, et il y en a pour tous les goûts, avec un penchant pour la qualité plutôt que la quantité : cela ne veut pas dire que tous les jeux sont bons, mais ils ont tous quelque chose d’original ou d’intéressant, et je n’ai pas vu de jeu véritablement mauvais et sans rien pour le racheter, sauf exception historique comme « c’est le premier jeu du développeur ».
Ce manque de « gros titres » peut en rebuter certains, mais il faut le voir d’une autre manière : les Zelda, Mario et Sonic classiques sont disponibles partout depuis 30 ans, vous y avez déjà joué 100 fois, et cette focalisation (en partie) volontaire sur les éditeurs « alternatifs » vous permet de découvrir des titres méconnus, pas mauvais pour autant, qui n’ont parfois jamais été réédités légalement depuis leur sortie initiale, et que vous n’auriez jamais lancé si vous avez accès à tous les jeux que vous voulez avec les machines d’émulation. Autre avantage de ces sélections réduites et variées, il m’est arrivé plusieurs fois d’acheter une cartouche pour un titre spécifique, et de découvrir de véritables perles qui m’étaient inconnues jusque là, ou d’apprécier des jeux que je n’avais testé que quelques secondes auparavant.
De manière objective, par rapport à une console d’émulation, le rapport qualité/prix du hardware est largement inférieur à une RG35XXH (ou équivalent) à 50€, qui est plus puissante, plus polyvalente et mieux construite. Mais l’Evercade a l’avantage de la légalité, la sélection limitée de jeux est en fait un point positif pour les raisons citées ci-dessus, et la machine est beaucoup plus facile à utiliser pour un néophyte, avec un vrai support client, plutôt réactif. C’est donc une console très intéressante pour les collectionneurs, mais aussi un cadeau parfait pour un joueur occasionnel qui veut pas se prendre la tête et ne veut pas 10000 jeux – je me vois plus offrir ce type de produit qu’une machine d’émulation, par exemple.