Note : la version testée est la « Pixel Remaster » ; le travail sur le remake est traité dans le test de la compilation, celui-ci traite principalement du jeu en lui-même.
Final Fantasy VI est un JRPG sorti en 1994 sur SNES au Japon et aux US, la même année que Earthbound, Lunar Eternal Blue, Breath of Fire 2, Live A Live… Le PC n’est pas en reste cette année-là, avec la sortie de Ultima 8 Pagan, Ravenloft ou encore The Elder Scrolls Arena. Il ne sortira pas en Europe avant 2002 sur PS1, bien après Final Fantasy VII, et pourtant c’est un des épisodes les plus réputés de la série.
Dès l’introduction, le jeu nous frappe par sa modernité en terme de mise en scène par rapport aux épisodes précédents, en particulier avec sa célèbre cinématique des armures/robots qui avancent en « 3D », avec les crédits qui s’affichent comme si c’était une intro de film, sur une musique très puissante. Le ton est posé, et ce type de mise en scène « moderne », malgré les contraintes techniques de la machine, sera régulier jusqu’à la fin du jeu. L’histoire suit d’ailleurs la même logique « cinématique », en étant beaucoup plus centrale et ne servant plus de simple prétexte à enchaîner les donjons ; la musique est également un gros cran au-dessus, de « très bonne » elle passe à « excellente » et prend quelque chose de plus, une certaine profondeur qui n’existait pas jusque là : on dirait que Nobuo Uematsu a eu une révélation depuis l’épisode précédent. Dans l’ensemble, j’ai eu le sentiment que les développeurs ont changé de vision sur leurs productions, et se sont mis à réellement vouloir raconter quelque chose de sérieux, il y a une vraie rupture qui se ressent à ce niveau ; est-ce que la rupture est réussie est une autre question.
A première vue, le scénario ramène le meilleur des épisodes précédents : des enjeux personnels avec des héros et héroïnes qui subissent des drames, ainsi que des enjeux plus globaux avec un grand méchant qui veut dominer le monde. Ce dernier est une véritable caricature, méchant car il est méchant, et clairement complètement fou à lier ; son écriture frise parfois le ridicule, mais le scénario assume et joue à fond la carte du cliché, ce qui le rend globalement supportable. Malgré tout, cela cantonne le scénario au classique méchant qui veut détruire le monde contre les gentils qui veulent le sauver, et les arcs individuels, de qualité variable, ne relèvent pas le niveau suffisamment.
Le jeu raconte les histoires d’un plutôt grand nombre de personnages, et bascule souvent de l’un à l’autre dans la première partie du jeu, parfois plusieurs fois en quelques minutes ; certains moments sont plutôt bien écrits, d’autres très oubliables, mais dans l’ensemble ces « sauts » constants donnent le sentiment que l’histoire se disperse et est un peu diluée : on commence à peine à s’intéresser à l’un d’entre eux que l’on nous le retire jusqu’à ce qu’on l’ait à moitié oublié, pour nous en mettre un autre sous le nez. L’ensemble m’a paru plutôt décousu, avec des scènes qui peuvent s’enchaîner sans toujours beaucoup de logique ou de cohérence, et j’ai trouvé qu’il manquait un personnage vraiment central et inamovible comme dans FF4.
A l’inverse, la seconde moitié est complètement libre, le scénario se met un peu en retrait (sans que ce soit aussi flagrant que sur le 5) et le jeu se concentre sur le gameplay : on peut aller affronter le boss final quasiment dès le début (et se faire rétamer), ou bien faire le tour du monde pour réaliser les nombreuses quêtes secondaires et obtenir tous les personnages, dont la plupart sont totalement facultatifs pour se composer la dream team que l’on souhaite.
Le gameplay est proche de l’épisode 4 : ATB, personnages à classes fixes, sorts appris au fil de la progression ou avec des événements spéciaux, etc. En revanche, les personnages non-magiques n’ont pas de limitations sur l’utilisation de leurs capacités spéciales : les attaques de base n’ont donc aucun intérêt, et même le choix des capacités est un leurre puisqu’on se contente de choisir la plus puissante à chaque fois ; il n’y a pas vraiment non plus de contrainte d’équipement, puisque même le moine et le magicien peuvent équiper une armure lourde et un bouclier ; et tous les personnages sont capables d’apprendre les mêmes sorts de magie en « équipant » des chimères. Globalement tous sont résistants et capables de frapper fort, et malgré les classes variées et originales, il n’y a pas de personnage « de soutien » plus fragile, qui demande d’adapter ses stratégies ; par conséquent, et contrairement aux épisodes précédents, la stratégie est quasiment inexistante : on se contente de prendre ses personnages les plus forts, et de spammer les mêmes attaques en boucle à chaque combat.
La progression reste dans une structure d’exploration suivie de donjons, qui sont malheureusement beaucoup moins intéressants que dans les précédents, car très linéaires et basiques. Seuls quelques-uns sont intéressants car ils demandent de créer deux équipes qui progressent en parallèle : l’une avance, ouvre une porte pour que l’autre avance et débloque un passage. Il y a beaucoup plus de quêtes annexes qu’avant, mais il faut vraiment les chercher, fouiller partout, parler à tout le monde et les noter quelque part ; dans une ère où les PNJ ont des points d’exclamation au-dessus de la tête et une flèche nous indique notre prochain objectif, on n’a plus l’habitude de devoir chercher soi-même, d’autant plus que certaines sont vraiment obscures : comment deviner qu’à un moment il faut se laisser aspirer par un ennemi pour progresser ?
Dans l’ensemble, j’ai trouvé Final Fantasy VI presque décevant : en-dehors de sa mise en scène plutôt avancée pour l’époque, et de son scénario relativement intéressant, quasiment tout a déjà été vu dans les épisodes précédents. Il n’y a aucune prise de risque en terme de game design, et bien que les développeurs aient mis le paquet sur la technique et la narration, ce sont aussi des aspects qui vieillissent le plus : aujourd’hui n’importe quel indé est capable de faire une mise en scène sympathique ou une histoire émouvante, alors qu’un gameplay fignolé et original n’est malheureusement toujours pas si commun que ça.
Techniquement, je me répète un peu, mais le jeu est un bon cran au-dessus des épisodes précédents : en particulier, les animations sont beaucoup plus variées et détaillées : joie, tristesse, colère, et même des animations inutiles comme un clin d’œil ou un perso qui se rejette les cheveux en arrière. C’est aussi celui qui a eu le plus d’attention de la compilation, comme avec la célèbre scène de l’opéra refaite en style « 2D-HD » et complètement doublée en chants lyriques dans toutes les langues, ce qui révèle un budget étonnamment élevé.
La difficulté est sensiblement plus basse : un peu trop facile avec le boost x4, il vaut mieux le laisser en x2 juste pour ne pas grinder, et peut-être même laisser l’apprentissage des magies des chimères en x1 pour conserver un peu de stratégie sur cet aspect ; dans le cas contraire, vous aurez vite une équipe dont tous les membres connaissent toutes les magies, ce qui rend les personnages encore moins différenciés. Avec cette configuration il n’est jamais nécessaire de grinder, à l’exception du dernier donjon qui demande d’utiliser tous les personnages : il faudra donc passer un peu de temps à remettre à niveau le reste de l’équipe, mais avec le boost x4 ça va plutôt vite ; j’ai terminé le jeu en 22h, ce qui est dans la lignée de la série jusque là.
J’ai bien aimé Final Fantasy VI dans l’ensemble, mais en découvrant tous les épisodes NES & SNES aujourd’hui, c’est un de ceux qui m’a le moins marqué : un gameplay déjà vu, un level design sans prise de risque, une histoire correcte mais classique, et une très bonne réalisation mais dont l’impact est diminué par l’amélioration des précédents épisodes. Un aboutissement de la série jusque-là, mais un peu mou.