Dragon Quest XI S est le dernier épisode de cette célèbre série qui remonte aux années 80 ; cette version « S » rajoute, entre autre choses, des musiques symphoniques et un mode « 16 bits ». Le premier épisode a défini les codes de ce qu’étaient les JRPG sur consoles, et sachez tout de suite quelque chose : ce onzième, sorti plus de trente ans plus tard, ne change pas grand-chose à la formule.
L’histoire est extrêmement basique : le gentil héros élu par le ciel contre le méchant qui est méchant parce qu’il est méchant, dans une série de petites scènes que l’on résout l’une après l’autre : le prince peureux confronté au danger, la sirène amoureuse, le royaume gelé par une sorcière… La progression n’a quasiment aucun retournement de situation, les personnages sont tous gentils tendance niais voire idiots, et tout est naïf comme une histoire inventée par un enfant de 8 ans. Quand on compare aux plot twists permanents de NEO The World Ends With You c’est assez choquant, mais au moins il est correctement écrit et se laisse vivre, et après de très longues heures, il sait même être drôle ou touchant. En revanche, après un premier affrontement avec le grand méchant du jeu, on doit de nouveau parcourir le monde pour récupérer l’équivalent des 7 boules de cristal de Dragon Ball, ce qui donne un gros sentiment de remplissage par le vide, et je ne parle même pas du post-game qui est encore pire : j’ai vu la première fin après 40h, et il faut refaire tout le jeu pour avoir la « vraie fin », qui défait tout le travail émotionnel mené par la première partie. Au final, j’ai vraiment eu l’impression que l’influence de Toriyama ne s’arrête pas au look et à quelques clins d’œil à Dragon Ball, mais influence toute la structure : on retrouve par exemple la progression d’un shonen, avec un objectif en toile de fond ponctué de petites aventures, qui ont une durée relativement courte et font progresser la quête principale de manière anecdotique.
Le gameplay est également simple et très traditionnel : les combats se déroulent au tour par tour, la priorité dépendant de la vitesse de chaque combattant, sans aucun système de faiblesse à exploiter, ce qui élimine toute forme de stratégie des combats, qui se déroulent absolument tous de la même manière. Les sorts et autres capacités se récupèrent en montant de niveau, sauf certains qui se débloquent sur une grille de compétences et permettent de légèrement influer sur le rôle des personnages ; il existe aussi un système de crafting simple, parce qu’apparemment il est interdit de sortir un jeu sans crafting de nos jours. Dans l’ensemble je n’ai pas eu le sentiment que ce gameplay basique avait de quoi soutenir un jeu de cette durée : j’ai fait tous les combats de la même manière pendant tout le jeu, et ça ne s’est ni approfondi ni varié ; pendant les premières heures j’ai même eu l’impression de jouer au premier épisode mais en version 3D.
Et c’est bien sur ce point que Dragon Quest XI divisera le plus les joueurs : cette ténacité absolue à vouloir être un « jeu à l’ancienne ». Oh, il y a bien des aspects modernes et de nombreuses petites touches qui facilitent la vie : une difficulté bien équilibrée qui ne demande pas de grind ou à l’inverse des options pour rendre le jeu plus difficile, des ennemis qui nous fuient quand on est beaucoup plus puissant, les combats automatisés (qui se révèlent vite indispensables), les personnages qui gagnent de l’XP même sans être dans l’équipe de combat, ou simplement une option de soin rapide qui optimise l’utilisation des PM. Mais en plus du gameplay sorti tout droit des années 80, tout le reste est classique et traditionnel à en crever : l’inventaire non partagé, les sauvegardes qui ne peuvent se faire qu’à des points fixes, ou même les bruitages (sorts, victoire…) qui n’ont parfois pas changé depuis le premier épisode. Cet attachement aux traditions est certes maîtrisé et sans vraie fausse note (après 33 ans à faire la même chose encore heureux), mais si vous cherchez de l’originalité, passez votre chemin et ne vous retournez jamais.
Afin de bien enfoncer le clou du traditionalisme, cette version « Definitive Edition » ajoute d’ailleurs un mode de jeu en 2D : il est possible d’en faire l’intégralité avec un look de jeu Super NES, et un gameplay légèrement ajusté pour l’occasion, notamment avec des combats aléatoires au lieu de voir les ennemis sur la carte. Les deux cartes se ressemblent d’ailleurs relativement peu depuis le point de vue du personnage, avec certaines choses qui ne se trouvent pas tout à fait au même endroit : j’ai eu un peu l’impression de jouer à deux jeux différents. Le plus gros problème de cette idée, pas mauvaise par ailleurs, est que basculer d’un mode à un autre fait revenir au tout début du chapitre : il n’est pas possible de changer au gré de ses envies, c’est vraiment dommage. Le seul moment où l’on pourra jouer en 2D sans contraintes est durant les missions secondaires qui font visiter les anciens épisodes, mais ne vous excitez pas : elles permettent juste d’explorer quelques lieux comme une ville ou un donjon, le temps d’éliminer un boss.
Techniquement, sur Switch en mode portable c’est un peu flou avec beaucoup de popping, et les animations sont d’un autre âge : certaines font de la peine à voir, comme celles du cheval. Les environnements sont plutôt grands, les villes sont bien rendues, on a un cycle jour/nuit et une météo dynamique, mais quelques chutes de framerate ponctuellement, ce qui ne gêne pas vraiment un jeu au tour par tour. Ce n’est pas moche, mais pas non plus impressionnant : on est plutôt du niveau d’un jeu « moyen de gamme » comme un Atelier ou Fire Emblem, que d’une grosse production.
Pour terminer sur une note plus subjective, personnellement je ne suis pas un grand fan des designs de Toriyama : son style n’a pas changé d’un iota depuis Dr Slump et Dragon Ball, et je trouve que tout le monde se ressemble. Les références à son travail de mangaka sont d’ailleurs tellement nombreuses que j’ai parfois eu l’impression de vivre dans un univers alternatif de Dragon Ball, et si ça fera sans doute plaisir aux plus fans, j’aurais aimé un peu plus d’originalité qu’un univers vu et revu jusqu’à la nausée depuis 40 ans… Malgré tout, je ne peux nier que les ennemis sont variés, et que leurs looks « typé manga » changent des designs classiques.
Dragon Quest XI S est un JRPG extrêmement classique et sans aucune prise de risque, mais maîtrisé ; agréable à jouer, mais avec un gameplay trop simple pour tenir sur la durée. A réserver aux fans du genre qui veulent un jeu « à l’ancienne », qui seront ravis.