Je suis un néophyte complet en flipper. Je n’y ai jamais joué IRL (allez, peut-être 2 ou 3 parties dans toute ma vie quand j’étais ado), et très peu en jeu vidéo : j’aimais bien la série 3-D Ultra Pinball sur PC dans les années 90 avec ses nombreuses animations et ennemis qui se baladent, mais niveau réalisme, on repassera. J’ai fait un peu de Pinball FX3 sur les tables gratuites, mais si vous êtes déjà un expert du flipper, prenez mon avis avec un grain de sel.
Demon’s Tilt est l’héritier spirituel du semi-célèbre Devil’s Crush, aussi appelé Dragon’s Fury, sorti sur PC Engine et Megadrive entre 1990 et 1992, qui faisait partie d’une des premières séries à ajouter des éléments de « jeu vidéo » impossible à reproduire en réel : ennemis qui se promènent sur la table, transformation progressive de certains éléments, sous-tables cachées, etc. Demon’s Tilt s’inscrit dans sa droite lignée en intégrant tous ces éléments, et en y rajoutant un aspect bullet hell avec les ennemis qui tirent de temps en temps, même si ça n’a qu’un impact très limité en se contentant de repousser la bille. La table, très en hauteur, est composée de trois zones avec chacune divers éléments sur les côtés et un ennemi central, qu’il faut frapper pour qu’il se transforme. Tout cela donne un aspect très « jeu d’action » : on ne s’ennuie jamais, il se passe toujours quelque chose sur la table qui évolue sans cesse, et on a des tas de cibles à viser en permanence sans devoir se contenter de rampes, bumpers ou autres éléments fixes.
Mais ce dynamisme rend aussi le premier contact un peu rude : entre les ennemis, les tirs, les explosions, les bonus, les chiffres un peu partout, les messages sur les côtés, les boss qui se transforment, et les divers effets graphiques, on ne comprend pas toujours tout ce qui se passe. Sur l’écran de la Switch c’est vraiment limite, et il arrive régulièrement qu’on perde la balle de vue ; le problème est encore pire en multiball : la caméra se focalise sur la balle la plus en bas et on tape sur celles du haut à l’aveugle. Heureusement, il existe des réglages (appuyez sur « + » en jeu) qui permettent de désactiver les flashs lumineux et les tremblements d’écran, d’activer la traînée de la balle, et de régler le niveau de zoom : cela permet d’augmenter radicalement la lisibilité, même si ça réduit évidemment le dynamisme et l’impact visuel. Un mode Tate (vertical) peut être activé pour voir une plus grande partie de la table (pas tout), mais non seulement il ne change pas l’orientation du menu principal (qui devient difficile à naviguer), mais en plus il se contente de pivoter le menu pause, qui devient illisible car trop petit : l’interface n’est vraiment pas un point fort du jeu.
Je ne suis pas très bien placé pour juger de la physique du jeu, mais comparé à Pinball FX3 qui est souvent reconnu pour sa physique très réaliste, Demon’s Tilt me semble très « lourd », avec une balle assez collante. Les ennemis et bonus font parfois rebondir la balle, parfois elle passe au travers sans même ralentir, et les effets et téléportations sont nombreux : on sent bien là aussi l’orientation « jeu vidéo » plutôt que simulation. J’ai par ailleurs noté quelques moments où la bille restait bloquée sous un flipper ; cela reste rare et il suffit de relever le flipper pour la décoincer, mais c’est assez étonnant.
Au niveau des explications, si comme moi, vous ne connaissez même pas les termes du flipper, ce n’est pas Demon’s Tilt qui va vous aider : le guide disponible dans le menu principal est minimaliste, les objectifs affichés sur la droite de la table sont nébuleux, et il est difficile de réussir à lire ce qui est affiché un peu partout en pleine partie. Cela suffira peut-être aux habitués, mais les autres resteront perplexes, la manière d’augmenter le score étant loin d’être évidente ; heureusement, le côté dynamique du jeu et les nombreuses cibles disponibles permettent à n’importe qui de s’amuser même sans rien comprendre. La principale concession faite à l’accessibilité est système de « surveillance » du tilt très bien fait : chaque secousse donnée à la balle fait se balancer un crâne en bas à droite, et les bords de l’écran deviennent rouges quand on se rapproche du tilt.
Graphiquement, Demon’s Tilt adopte un style gothique typé « 16 bits ++ » dans les tons violacés qui donne une très bonne ambiance, avec des sprites de qualité, et nous plonge tout droit dans les années 90 avec en prime une excellente musique qui colle très bien : c’est une vraie réussite et, honnêtement, une grosse partie de son attrait.
Plusieurs modes de jeu sont disponibles : normal, avec des règles supplémentaires et des sous-tableaux, et « hardcore » avec une seule bille, avec des leaderboards locaux et en ligne dédiés à chaque mode.
Demon’s Tilt est intense, prenant et fun ; un fan de flipper sera sans doute frustré par la physique irréaliste, mais pour un débutant comme moi, le côté dynamique est un vrai plus malgré le manque d’explications : ça pète de partout, et c’est bien plus rigolo qu’une simulation sérieuse comme Pinball FX3.