Atelier Ryza est le dernier épisode d’une vieille série de JRPG orientés crafting, le premier Atelier étant sorti en 1997 sur Playstation, avec des jeunes filles mignonnes qui font des choses mignonnes, des scénarios « tranche de vie », une ambiance détendue, bref, une série de jeux « feel good ». C’est pour moi le premier contact avec la série, que je découvre avec cet épisode, totalement décorrelé des autres puisque la série fonctionne grosso modo par trilogies, qui n’ont rien à voir les uns avec les autres.
Le premier contact montre immédiatement une inspiration manga/anime prononcée, très bavard, un peu cliché, avec des adolescents dans un village qui s’ennuient et veulent vivre une aventure, et un ton très léger : tout le monde est gentil, il n’y a pas de grand méchant à l’horizon, uniquement des gens qui vivent leur vie ; même le jeu s’en amuse à travers certains dialogues. On s’attache rapidement à ces personnages très bien écrits, et même à notre atelier, qui se remplit progressivement d’objets trouvés lors de notre aventure.
Décrit comme ça, le jeu peut paraître barbant, mais ça fait aussi beaucoup de bien de ne pas être en tension permanente et de ne pas devoir sauver le monde d’un grand méchant qui veut le détruire ou le contrôler. Cela étant dit, l’histoire comporte aussi un fond de politique, des mythes d’anciens royaumes, ainsi que certains événements inattendus. Il y a également de nombreuses quêtes annexes, qui sont de bêtes fetch quests, mais toujours très bien écrites, avec des PNJ qu’on apprend à connaître et apprécier, et souvent beaucoup d’humour.
En conséquence de cette orientation détendue, le rythme de Atelier Ryza est très lent : c’est seulement après environ 7h de jeu que le scénario va au-delà de « mes parents sont nuls je veux faire ce que je veux » ; les quêtes secondaires se débloquent après 5h de jeu, la carte après 8h… Quasiment jusqu’à la fin, on va débloquer des choses avec l’histoire ou avec l’alchimie, et on aura encore des tutoriaux après 20h de jeu pour expliquer le fonctionnement de ce qu’on vient de créer. C’est parfois un peu pénible, mais d’un autre côté, ce n’est pas plus mal : la quantité assez élevée d’informations est ainsi un peu mieux digérée.
Les combats sont un gros point fort du jeu. Ils sont assez stratégiques : il faut savoir quand monter sa jauge tactique ou utiliser ses points d’action, utiliser ou synthétiser ses objets, quel personnage contrôler à quel moment (on n’en dirige qu’un, et les autres agissent automatiquement), demander aux alliés d’utiliser ou conserver les points d’action, surveiller les moments où on peut donner des ordres spéciaux, le tout en ATB (semi-temps réel), ce qui oblige à réfléchir et réagir rapidement. Ça donne des combats très dynamiques, et je n’ai même pas parlé de toutes les subtilités, comme le positionnement, les rôles, ou l’équipement. Ces excellents combats rendent même le grind agréable, d’autant plus que ça sert aussi à la récolte d’ingrédients pour l’alchimie, et que les monstres sont visibles : il n’y a pas de combat aléatoire, et on peut les éviter si l’on préfère. Je rajoute que l’expérience est partagée avec les personnages non utilisés, ce qui permet de changer la composition de l’équipe à n’importe quel moment sans avoir à grinder pour rattraper leur niveau, ce qui fait beaucoup de bien.
L’alchimie, concept central de la série, est très intéressante, complexe, et pleine de subtilités. De manière simple, on va juste remplir l’arbre d’une recette avec des ressources pour créer un objet. Pour faire un peu plus compliqué, la qualité de l’objet dépend de la qualité des ressources, les effets de l’objet dépendent des branches de l’arbre que l’on a rempli, et les effets secondaires dépendent des effets des ressources. Il y a une grande toile de relations entre les créations, avec des recettes qui en débloquent d’autres, et des objets nécessaires à certaines réalisations. C’est passionnant, et on peut passer des heures à essayer d’optimiser l’équipement de ses personnages, à réfléchir à la meilleure manière d’optimiser leurs effets et leur qualité, créer des objets avec certains effets pour les utiliser lors de la création d’équipement…
La récolte des ressources est elle aussi, étonnamment, relativement profonde : par exemple, en fonction de l’outil de récolte utilisé, un buisson peut donner des baies, des herbes, des fleurs, des insectes ou d’autres choses, et le tout varie en fonction de la zone où l’on se trouve. Il y a de très nombreuses possibilités, des ingrédients interchangeables et d’autres non, et on réfléchit sans arrêt aux différentes possibilités de récolte, à quel outil utiliser, etc. Heureusement, la tâche est grandement facilitée par un guide dans le jeu pour se rappeler où trouver telle ou telle ressource, et par la réapparition de toutes les ressources (et de tous les monstres) dès qu’on quitte puis retourne dans une zone, plus d’autres aides débloquées vers la fin du jeu.
L’équilibrage entre l’histoire, les quêtes secondaires, la récolte et l’alchimie est très bon : il est très plaisant d’avancer un peu dans l’histoire, trouver un nouvel ingrédient, retourner à l’atelier voir ce que ça a débloqué, et créer une nouvelle arme, ou bien un nouvel outil qui permet de récolter de nouvelles ressources, ou même un nouvel équipement qui permet d’accéder à des zones précédemment bloquées. Le grinding se fait « naturellement » lorsque l’on essaye de récolter des ingrédients rares de monstres, ce qui réduit voire élimine l’ennui généralement associé à la tâche.
On se rend vite compte que le village de départ de Atelier Ryza est plutôt grand, composé d’une demi-douzaines de quartiers cohérents, tous accessibles en « téléportation » à n’importe quel moment, et remplis de ressources, de PNJ, et de boutiques. Le continent, quant à lui, est assez vaste, avec une dizaine de zones composées d’entre 4 et 10 sections chacune. La navigation entre ces zones est un peu pénible au début car elle doit se faire à pieds, mais après quelques heures on débloque une téléportation sans aucune contrainte, ce qui est un véritable bonheur, surtout quand on va d’un bout à l’autre du monde pour récolter quelques ressources par-ci par-là.
Techniquement, Atelier Ryza est plutôt dans la gamme « AA » (à budget moyen), avec des modélisations assez simples, des textures moyennes, du popping, des animations un peu raides, des murs invisibles… En revanche, artistiquement, c’est superbe, avec de très belles ambiances, un vrai travail sur les différentes zones, des personnages uniques, etc. Ce n’est pas un jeu qui vous mettra des claques graphiques, mais c’est très agréable à regarder, surtout sur Switch en portable.
Les musiques sont sympa sans être inoubliables, et les dialogues de l’histoire sont intégralement doublés en Japonais ; les quêtes secondaires sont ponctuées d’expressions génériques.
La difficulté est très bien équilibrée, avec une augmentation uniquement sensible sur le dernier tiers ; mais de toute façon, perdre ne fait que réapparaître à l’atelier avec quelques ressources en moins (en mode normal). Un mode « très facile » a été ajouté par un patch après la sortie, et la difficulté peut se changer à n’importe quel moment ; à l’inverse, les amateurs de difficulté pourront se frotter aux boss facultatifs bien costauds : ils ont environ 3 fois le nombre de PV du boss final, et tapent beaucoup plus fort… Le jeu nous aide bien dans notre progression, tout est fléché et indiqué, et des tas d’aides sont débloquées au fil du jeu et grâce à l’alchimie. En mode normal, j’ai terminé le jeu en environ 47h, en faisant la majeure partie des quêtes secondaires, une très grande partie de l’arbre de l’alchimie, mais sans chercher à battre ces boss facultatifs.
Atelier Ryza a quand-même un certain nombre de petits défauts, comme l’impossibilité de pouvoir créer des « sous-objets » durant l’alchimie, ce qui oblige à abandonner sa création pour y revenir ensuite ; l’impossibilité d’attendre une certaines heure, les PNJ n’étant pas toujours disponibles durant la nuit, ce qui oblige à sortir et revenir dans la zone ; des petites exclamations non-stop quand on crafte qui finissent par taper sur le système ; une interface parfois un peu lourde… Mais tout ça est assez accessoire. Le plus gros défaut est surtout le manque de variété des ennemis, avec à peine 9 « de base », que l’on retrouve en différentes variations un peu partout.
A noter que tout le jeu est sous-titré en anglais, sans aucune option pour le français.
Enfin, il faut relever une pratique commerciale désagréable : la conclusion des arcs des personnages secondaire se fait dans des DLC au prix fort : 5.50€ chacun !
Atelier Ryza est un excellent JRPG, avec une ambiance « feel good » qui fait du bien au moral, de multiples systèmes de jeu riches et profonds, et d’excellents combats. Son ambiance kawaii, son rythme lent et sa réalisation pourraient en rebuter certains, mais pour les autres : foncez.